Un puissant courant, que l'on dit plus déterminé que jamais, cherche à amener ce parti à s'éloigner du président Bouteflika. Signe des temps sans doute, le RND fait de nouveau parler de lui après avoir essuyé deux tempêtes en une bien courte existence. Depuis que le FLN, premier parti du pays, vit une crise qui remet en cause sa suprématie sur le restant de la classe politique, les dirigeants du RND ont recommencé à espérer. Cela n'a pas manqué non plus de réveiller les vieux démons et de provoquer des frictions de plus en plus prononcées entre les différents courants qui traversent encore ce parti. Des sources concordantes et dignes de foi indiquent qu'un courant «tenterait de propulser le numéro deux de l'Etat, Abdelkader Bensalah, afin de faire barrage à l'actuelle démarche d'Ahmed Ouyahia». Cette fronde, qui en est encore au stade de balbutiements, a démarré à partir de l'Ouest du pays. Elle tend toutefois à se propager telle une traînée de poudre. Des conflits seraient ainsi apparus au sein de nombreuses instances régionales alors que de plus en plus de membres du conseil national, alléchés par les enjeux en cours, seraient gagnés par le mouvement. Les analystes qualifient même de «normale» cette fronde au sein d'un parti qui va de crise en crise depuis sa naissance en 1996 et l'évolution «peu orthodoxe» qu'il a suivie jusqu'à ce jour. Des membres de la direction nationale du RND indiquent n'avoir «jamais pensé revenir aussi vite sur le devant de la scène médiatico-politique». La nomination d'Ahmed Ouyahia à la tête de l'Exécutif national ne semble pas s'être faite sans contrepartie de poids. Le secrétaire général du RND, lors de ses nombreuses sorties médiatiques, y compris dans sa conférence de presse animée en tant que chef du gouvernement, n'a jamais manqué d'exprimer son soutien plein et entier à la démarche ainsi qu'au bilan du président de la République. Selon des sources proches du chef du gouvernement et néanmoins secrétaire général du RND, celui-ci «ne demanderait pas mieux que de soutenir pleinement un second mandat présidentiel pour Abdelaziz Bouteflika». Ouyahia, dans son entourage immédiat, ne laisse jamais d'expliquer, notamment lors de certaines soirées ramadanesques, que «les avantages tirés du soutien à Bouteflika dépassent de loin les inconvénients qui pourraient en résulter». Ouyahia, en parfait homme d'Etat qui, selon ses propres aveux à la suite de la crise de mai-juin 2002, pratique la politique en parfait amateur, n'ignore pas, comme il le souligne encore lors de ces soirées privées, que «le meilleur moyen de gérer correctement (sa) carrière, c'est de passer encore un mandat à l'ombre de Bouteflika pour finir de renforcer le RND et en faire de nouveau le premier parti du pays, tout en tissant des relations de façon telle que la présidentielle de 2009 (lui) soit quasi intégralement garantie». La jeunesse d'Ouyahia, comparée aux autres adversaires potentiels, plaide en faveur de ce choix stratégique. Il n'empêche que de plus en plus de voix, parmi les plus fidèles à son secrétaire général s'élèvent pour dénoncer cette démarche. Les uns soutiennent que le RND n'a jamais été partisan de la ligne réconciliatrice puisque le plus gros de ses troupes est formé par des patriotes qui ont fait sa splendeur d'antan, les autres ajoutent que quels que soient les services (intéressés) qu'aurait pu rendre le président au RND qui revient de loin, il est plus que jamais nécessaire de profiter du conflit existant entre Bouteflika et Benflis pour tenter de rafler la mise lors de la prochaine présidentielle. Ce n'est pas un hasard, soutiennent des observateurs avertis de la scène politique, si Miloud Chorfi, porte-parole du parti et président du groupe parlementaire du RND, avait annoncé il y a de cela deux semaines que «la question liée à l'élection présidentielle n'est pas encore à l'ordre du jour». La sortie, pour certains, a constitué une sorte de remise en cause de la ligne ainsi suivie par le RND tel que drivé par Ouyahia. Mieux, elle peut également signifier que «les sénatoriales sont une première priorité, puisqu'elles constituent de véritables primaires en attendant le jour J». Une situation pareille, comme de juste, semble avoir laissé le champ libre aux anciens contestataires d'Ouyahia, revenus à la charge depuis plus d'un mois. Prenant exemple sur ce qui se passe au FLN, ils se feraient appeler redresseurs et auraient l'intention de réactualiser la plainte déposée contre l'actuelle direction du RND l'année passée (lire l'article d'Ahmed Zakaria). Si beaucoup de cadres et de militants persistent à dire que le RND peut profiter du conflit au sommet de l'Etat pour se placer en pole position, ils ne laissent pas d'ajouter, en toute logique, que «l'alliance que contracte dans plusieurs wilayas le RND avec les redresseurs pour contrer le FLN de Benflis ne sert pas les intérêts du parti, ni même ceux du pays». Dans tous les cas de figure, le prochain conseil national, qui aurait été reporté à cause des risques d'éclatement de ce conflit au grand jour, permettra à tous d'y voir plus clair dans ces questions, mais aussi et surtout de clarifier les rapports de force aussi bien au sein de ce parti qu'au sommet de l'Etat algérien.