Réda Hamiani a plaidé pour un rééquilibrage des relations de l'Europe avec les pays du Sud. Le Forum des chefs d'entreprise (FCE) et l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) ont organisé, hier au siège de l'organisation patronale à Chéraga (Alger), une rencontre autour du thème : “Quel rôle pour les entreprises du Sud dans le développement économique euroméditerranéen ?" La rencontre était l'occasion pour des chefs d'entreprise et experts des deux rives de la Méditerranée de débattre des enjeux et des opportunités économiques dans l'espace euro-méditerranéen, en présence, notamment de M. Jean-Louis Guigou, délégué général d'Ipemed et de M. Abderrahmane Hadj-Nacer, co-président du comité scientifique d'Ipemed. Le président du FCE, M. Réda Hamiani, s'est montré déçu des réalisations du processus de Barcelone. “Nous avions de grands espoirs sur le processus de Barcelone ; nous en attendions en particulier qu'il fasse souffler un vent de liberté et de dynamisme dont nous, au Sud, avons profondément besoin, et qu'il favorise une dynamique réelle d'intégration des pays de la région entre eux d'abord et aussi entre l'Europe. Cela, malheureusement, ne s'est pas réalisé comme nous l'espérions", regrette M. Réda Hamiani. Le Nord et le Sud demeurent comme deux mondes bien distincts avec tous les écarts de développement et de revenus par habitant qui les caractérisent. L'écart de développement est tel qu'il impacte lourdement les relations entre les pays du Nord et ceux du Sud, au détriment de l'établissement de partenariats réels et équilibrés. Le président du FCE a même exprimé sa crainte concernant la crise mondiale qui risque de conduire à la marginalisation de la région dans l'agenda européen. L'interprétation du délégué général d'Ipemed est que les relations euro-méditerranéennes ont été trop dominées par les politiques et pas assez par les chefs d'entreprise. C'est l'une des raisons de l'échec du processus de Barcelone. Jean-Louis Guigou affirme avoir été fasciné par la façon dont les Allemands ont intégré les pays de l'Est et d'Europe centrale et orientale. “Ils ont fait de l'outsourcing, des délocalisations énormes, jusqu'à 46% des produits exportés par l'Allemagne sont produits dans les pays d'Europe de l'Est", a-t-il affirmé, suggérant à ce que ce modèle allemand soit appliqué aux pays du Maghreb. Le délégué général d'Ipemed évoque la création de l'Euro-Mediterranean Competitiveness Council, un mouvement de patronat, avec l'objectif d'influencer les dirigeants politiques de la région pour la mise en œuvre des orientations et des législations nécessaires à cette régulation commune de l'économie régionale. Le président du FCE estime qu'il faut aborder avec une vision et des perspectives nouvelles la construction d'un espace intégré, construction dans laquelle “on doit assurer un arrimage réel du Sud au Nord". M. Réda Hamiani a fait remarquer que l'accord d'association s'est enlisé dans la mise en place d'une hypothétique zone de libre-échange commerciale. “Un accord déséquilibré en faveur de l'Europe", relève le patron de Cevital. Même révisé, l'accord est toujours déséquilibré en faveur de l'Union européenne. Issad Rebrab estime que les pays européens ne regardent que leurs propres intérêts, insistant sur la nécessité d'un partenariat “gagnant-gagnant" et d'un traitement “d'égal à égal". Le patron de Cevital estime qu'au-delà des secteurs de l'agriculture, de l'énergie et de la santé, sur lesquels des partenariats peuvent être fondés, tous les secteurs industriels sont également éligibles. Issad Rebrab souligne qu'il faut chercher la complémentarité au niveau de la compétitivité. Pour lui, les avantages comparatifs, dont dispose l'Algérie, sont nombreux, évoquant, notamment, les coûts de transport et de main-d'œuvre. Le patron de Cevital demande à ce que l'Europe ouvre son marché aux produits algériens comme elle l'a fait avec d'autres pays. Réda Hamiani a également plaidé pour le rééquilibrage des relations de l'Europe avec les pays du Sud. Il s'agit, précise Hamiani, de sortir de la relation de libre-échange pur dans laquelle s'est cantonné jusqu'ici le processus de Barcelone, d'ouvrir la voie à un mouvement massif d'investissement, avec l'engagement de grands projets structurants et à des partenariats équilibrés entre les entreprises du Nord et celles du Sud. Le président du FCE appelle à la construction d'alliances stratégiques entre les entreprises européennes et celles des pays tiers-méditerranéens. Ces alliances stratégiques, a-t-il estimé, “sont l'une des clés essentielles du succès du développement économique euroméditerranéen". L'enjeu majeur, explique Hamiani, de ce rapprochement économique des entreprises est de “sceller le codéveloppement entre la rive nord et la rive du sud de la Méditerranée". Le partenariat euroméditerranéen nécessite donc d'être repensé et conçu sur une toute autre logique des rapports. “La relation de dépendance de chacun des pays du Sud vis-à-vis de l'ensemble européen, qui prévaut actuellement, doit être rompue et transformée progressivement en un partenariat intégré", suggère Hamiani. M R