Cette organisation patronale invite à dresser un bilan de la situation réelle de l'économie. “une infime partie des propositions émises sont réellement prises en considération, alors même qu'aucun argument sérieux ne nous est jamais présenté, ni pour contester le bien-fondé de notre argumentation ou la pertinence de nos propositions, ni pour expliquer les raisons, de quelque nature qu'elles soient, qui ont conduit à leur rejet”, affirme le forum des chefs d'entreprise au sujet de la loi de finances adoptée, mercredi dernier, par le Sénat. “Malgré toute la disponibilité dont le forum a fait montre à l'occasion des étapes préparatoires de la loi des finances, il n'est même pas rendu destinataire du projet de loi finalement retenu et de son contenu. Il en est réduit, pour savoir à quoi s'en tenir à ce sujet, à une collation approximative des informations qui sont fournies, de manière épisodique, par la presse nationale”, soutient-il dans son bulletin mensuel. Le forum des chefs d'entreprise a, rappelons-le, pris l'initiative de formuler, à plusieurs reprises et sous différentes formes, ses propositions de mesures destinées à améliorer et à simplifier les conditions d'exercice des activités économiques dans notre pays, à améliorer l'apport des entreprises privées à la création de valeur ajoutée nationale et à renforcer la cohérence dans la gestion de l'économie nationale. C'est ainsi qu'il a eu à présenter (mai 2002) des propositions concernant les volets fiscalité et tarifs, qu'il souhaitait voir être intégrés dans le projet de la loi des finances 2003. Il a soumis aux autorités économiques un mémorandum sur la nécessité de “placer l'entreprise au centre des politiques économiques”. Ce mémorandum était accompagné d'une matrice détaillée des mesures préconisées par le forum en vue de créer les conditions structurelles d'une relance économique soutenue, avec explication de chaque mesure proposée et identification des administrations concernées. “C'est là une situation tout à fait anormale et regrettable qui montre, bien au-delà des approches bureaucratiques de la gestion de notre économie, le décalage qui peut exister entre la générosité des déclarations d'intention et l'immobilisme dans les pratiques quotidiennes”, écrit le forum des chefs d'entreprise. Pour l'organisation que dirige Omar Ramdane, “ce décalage a des raisons plus profondes qui tiennent à l'absence de toute projection économique sérieuse pour le développement économique et social du pays”. Le constat du forum “C'est que faute d'un cadre de référence solide et consensuel, l'action économique des autorités au quotidien s'assimile de plus en plus à une suite continue d'improvisations, au gré des conjonctures immédiates.” Selon le forum des chefs d'entreprise, le dernier exercice auquel a donné lieu la préparation du projet de loi de finances 2003 “est un exemple qui illustre parfaitement les erreurs [ou les dérives] auxquelles conduit la confusion entre la vocation budgétaire et fiscale de ce document et une démarche de planification économique”. Un scénario d'évolution des principaux agrégats macro-financiers sur les trois prochaines années est évoqué dans le document de présentation de la loi des finances sans que soient précisés les termes sur les bases desquelles il est construit ni par quelle autorité il a été élaboré. Les interrogations du forum “Les secteurs d'activité dans l'industrie, dans l'agriculture, les services… ont-ils été associés à cette projection ?”, s'interroge le forum. Au sujet du taux de croissance projeté pour l'année 2003, de l'ordre de 4%, le forum se pose trois questions : “Sur quelles bases est assise cette projection et a-t-on préalablement identifié quels sont les secteurs porteurs de croissance dans cette perspective ? Existe-t-il un bilan établi et validé des résultats réalisés en termes de croissance des différents secteurs, pour l'année 2002 ? et, enfin, pourquoi faudrait-il se résoudre à accepter, pour 2003, un taux de croissance limité à 4%, alors que les besoins sociaux, en termes de demandes d'emploi notamment, se manifestent de façon si dramatique ?” Selon le forum, le projet de la loi de finances est bâti autour d'une hypothèse de maintien, durant les trois prochaines années, d'un niveau minimal de réserves de change estimé à 20 mois d'importations. “Qu'est-ce qui justifie une telle prudence, au regard de l'état dégradé de la situation économique et sociale du pays, alors même qu'il est reconnu qu'un niveau de 12 mois est très largement suffisant et même très confortable [le niveau de ces réserves est de 3 à 5 mois en Tunisie et au Maroc] ?”, s'interroge-t-il. Concernant le niveau de 19 dollars américains le baril équivalent pétrole qui est retenu comme hypothèse de travail pour l'élaboration du projet de recettes budgétaires (fiscalité pétrolière) pour l'année 2003, le forum des chefs d'entreprise se demande s'il n'est pas souhaitable d'élaborer d'autres scénarios (20 ou 21 dollars le baril), sachant que le solde actuel de ce fonds est estimé à quelque 248 Mds de DA (plus de 3 Mds de dollars). c'est le cas aussi pour le taux de change de la monnaie nationale qui a connu, tout au long de ces trois dernières années, une dépréciation importante (près de 30% au total), alors que jamais auparavant notre pays n'a pu connaître une situation aussi florissante de ses comptes extérieurs. Cette situation, de l'avis du forum , “semble être justifiée, fondamentalement, par le souci de gonfler le niveau des recettes budgétaires, en raison de l'effet euphorisant de la fiscalité pétrolière sur les comptes du budget général de l'Etat”. Dans le même sillage, ajoute le forum, il faut également se demander si le choix ainsi fait reste toujours pertinent quand on sait qu'un dinar sous-coté décourage, certes, les importations de produits de consommation, mais pénalise encore plus les importations d'équipements et, par voie de conséquence, toute la dynamique de l'investissement. Besoins d'une démarche de planification du développement Le besoin d'une démarche de planification du développement économique à moyen et long termes de l'Algérie est, une fois de plus, préconisé par le forum. Une démarche qui serait le résultat d'un débat consensuel impliquant tous les acteurs économiques et sociaux et qui servirait, en même temps, de cadre de référence cohérent et permanent à l'action économique des autorités (pour la préparation et les discussions des lois de finances, notamment) et surtout pour les entreprises qui, en économie de marché, sont des acteurs libres et des vecteurs essentiels de la croissance économique. Le forum rappelle l'existence d'un plan parfaitement compatible avec le fonctionnement d'une économie de marché, comme le démontre parfaitement l'exemple de la France ou, plus près de nous, celui de la Tunisie. Le cas tunisien La Tunisie en est à son dixième plan national de développement économique et social. Le texte de loi portant promulgation du plan quinquennal 2002-2006 a été paraphé le 25 juillet 2002. Il est le résultat de quelques deux années de préparation coordonnées par un ministère spécialisé (le ministère du développement économique) sur la base d'une concertation poussée entre le niveau de décision central, régional et local. Les travaux ont fait l'objet, après les arbitrages du gouvernement, d'une évaluation finale au sein du Conseil économique et social tunisien et d'un débat au niveau du Parlement. Le taux de croissance moyen de l'économie tunisienne, attendu sur la période, est estimé, tenant compte d'une conjoncture internationale défavorable (reprise limitée de la croissance mondiale et suites des attentats du 11 septembre 2001), à quelque 5,5%. Dans ces conditions, le niveau de chômage sera porté de 15%, actuellement, à 13%, en 2006, et ne concernera que les personnels non formés ou analphabètes. Le niveau de l'investissement attendu sur la période est de quelque 35 Mds de dollars, dont près des deux tiers (57%) sont assurés soit par les entrepreneurs tunisiens soit par les investisseurs étrangers, l'Etat limitant son rôle aux dépenses sociales et aux infrastructures de base. Le financement de ce plan se fera à 72% par l'épargne interne et à 28% par des ressources extérieures. La dette extérieure à rembourser est évaluée à 7,2 Mds de dollars et le niveau des réserves de change à 3,4 Mds de dollars. Développement économique et social à moyen terme La formulation d'objectifs de développement économique et social à moyen terme, à définir dans le cadre d'une concertation organisée de tout acteur économique et à mettre en œuvre à l'intérieur d'une discipline de planification, semble être aujourd'hui la seule voie recommandable. Cela suppose de réunir, en plus de la volonté politique, trois conditions selon le forum : 1- la mise en place d'une structure centrale spécialisée, structure qui pourrait émerger à partir de l'actuelle délégation au plan, avec bien entendu des attributions redéfinies, des moyens matériels et surtout humains plus conséquents. 2- L'établissement d'un bilan de la situation économique réelle du pays, pour valider un ensemble de données économiques et sociales, sectorielles et régionales qui circulent aujourd'hui. Une mise à niveau du système de production de l'information économique nationale devrait s'imposer à cet égard. 3- Et le lancement d'un débat national sur le développement articulé autour de l'instance nationale de planification, dans le cadre d'une organisation associant tous les acteurs aux niveaux concernés : national, sectoriel, régional et local. “Plusieurs approches organisationnelles sont bien sûr possibles. L'essentiel est cependant, quelles que soient les options retenues, d'arriver au terme d'un délai aussi rapide que possible [12 à 18 mois] à disposer d'un document consensuel et indicatif pour les orientations du développement économique et social national”, soutient le forum. Dans ce document devraient être identifiés de manière claire les principales contraintes qui affectent le fonctionnement de l'économie algérienne, les taux de croissance à cibler pour répondre de manière aussi efficace que possible aux contraintes ainsi définies, les secteurs porteurs de cette croissance et les conditions à réunir par chacun d'eux pour stimuler ce processus, les modalités de financement de la croissance et du développement de l'économie nationale et, enfin, les conditions organisationnelles à réunir pour atteindre les objectifs ainsi ciblés. M. R.