Djamila Sahraoui décline les interviews sollicitées par la presse nationale (Liberté), tant que son œuvre n'aura pas été montrée en Algérie, mais de toute évidence, le dernier long métrage de la réalisatrice de Barakat (2006) a connu un vif intérêt du public, samedi soir à Namur. Dès les premières images, le ton tragique du film est donné : une femme, Ouardia (jouée par la réalisatrice) traîne le brancard de son fils Tarek, un officier de l'ALN, probablement tué par son frère Ali, chef d'une section djihadiste dans la région de Sétif. Cette “mère courage" aux accents brechtiens, enterre son fils, poursuit ses tâches ménagères quotidiennes et se livre aux activités agricoles sur cette terre aride des Hauts-Plateaux secouée par les vents mais filmée dans la région de Béjaïa. Ici pas de fioriture ni de prééminence du dialogue. En cinéaste aguerrie, Djamila Sahraoui privilégie l'image, et notamment la gestuelle transmise par la tradition familiale : Ouardia arrose parcimonieusement les plants de tomates, les pousses de salades et les jets de poivrons qu'elle cultive. D'autre part, la bande son nous livre le bruit sec et sourd de la pioche qui côtoie le ruissellement régulier de l'eau ou le léger battement d'ailes des oiseaux dans ce paysage rural isolé qui permet, grâce à quelques chèvres, une économie autarcique. FDe toute évidence, la réalisatrice, d'origine rurale, sait de quoi elle parle quand elle évoque la nature. Ouardia, métaphore de l'Algérie, offre l'image d'une femme déjà livrée aux épreuves et burinée par le temps. Son fils, Ali, dirigeant d'une katiba, a chargé l'un de ses hommes amputé d'un bras à la suite d'une explosion de surveiller cette femme seule effondrée par la disparition de son fils Tarek et celle de sa belle-fille Malia enlevée par Ali dans le maquis. Malia, morte en couche, a néanmoins donné naissance à cet enfant que lui rapporte son fils maudit. Peu après, Ali, blessé à la jambe, revient à la maison maternelle mais Ouardia, ne peut pardonner. Atteinte du “syndrome de Stockholm", Ouardia va, d'autre part, témoigner une certaine sympathie à l'égard de son gardien : elle fera passer son geôlier pour son fils lorsqu'une patrouille l'interroge sur son identité et elle lui offre le café à l'occasion du 40e jour qui suivra le décès de son fils Tarek alors qu'elle refusera, quelques minutes plus tard, de servir son fils Ali. Elle dissimulera aussi, avec la complicité de son geôlier, la morphine qui devrait, pourtant, calmer la douleur de con fils blessé par une balle. Djamila Sahraoui a étudié la littérature à Alger avant de partir à Paris en vue d'obtenir son diplôme à l'IDHEC dans la section réalisation et montage. Sa formation initiale lui a donc permis de s'intéresser aux auteurs tragiques de l'antiquité. Incontestablement, il y a de la tragédie dans le mythe modernisé de cette “Médée" algérienne qui finit par éclater en sanglots. Reste à savoir quel sera l'avenir de ce petit-fils qui vient de lui être confié. Aura-t-elle seulement la force de l'élever différemment de ses deux fils ? Nous saurons, le 5 octobre, si le dernier film de Djamila Sahraoui a été épinglé à Namur mais, quoi qu'il en soit, faire partie de la compétition officielle de ce Festival international relève, déjà, de la gageure. A M