Pour bien comprendre la gestion de la dette extérieure avant le rééchelonnement, il faut considérer deux dates : le début des années 1980 et l'année 1986. Le début des années 1980 était caractérisé par une forte appréciation du dollar américain par rapport aux autres monnaies d'endettement de l'Algérie, notamment le franc français (le dollar s'est approché de 10 FF à cette époque), d'une part, et par un prix du baril de pétrole qui a dépassé 30 $/baril, d'autre part. Cette situation n'a pas forcé les autorités à suivre une gestion prudente de l'endettement extérieur. Ceci est d'autant plus vrai que par le jeu de l'appréciation du dollar, le stock de la dette extérieure exprimé dans cette monnaie baissait. Il en a été conclu que l'Algérie était en train de se désendetter, ce qui est totalement faux ! C'était une simple illusion statistique due à l'appréciation du dollar. Au contraire, une analyse des flux d'endettement (et pas du stock) aurait permis une conclusion différente. Alors, lorsqu'en 1986, le phénomène inverse est apparu, c'est-à-dire une chute brutale des prix du pétrole, accompagnée d'une dépréciation du dollar, les équilibres financiers extérieurs de l'Algérie étaient déjà fragilisés. Nous vivons, aujourd'hui, les mêmes erreurs en ce qui concerne la gestion budgétaire et de façon autrement plus inquiétante la gestion du budget de fonctionnement. Dans ce domaine, une gestion sérieuse se fait sur le moyen et le long terme. En 1986, les recettes d'exportations ont baissé de 4,7 milliards $ (40%) par rapport à 1985. Devant une chute aussi brutale, il y avait trois réactions possibles : - baisser d'autant les importations ; - rééchelonner la dette extérieure. S'engager dans un processus d'endettement à court terme et de diminution des réserves ? C'est la solution la moins prudente qui a été choisie. Le niveau des importations des biens et services n'a baissé que d'un milliard $, faisant supporter à la baisse des réserves et à l'endettement supplémentaire de court terme, 3,7 milliards $. Alors, le service de la dette extérieure qui était inférieur à 6 milliards $ jusqu'en 1987 est passé à près de 9 milliards $ en 1990 et près de 10 milliards $ en 1991. Et ni l'augmentation importante des recettes d'exportations d'hydrocarbures de plus de 3 milliards $ en 1990 (24 $ le baril), ni les opérations de refinancement de la dette (reprofilage), ni les engagements de court terme de la Banque d'Algérie (swap-or, emprunt de court terme, suspens) n'ont pu empêcher la détérioration des équilibres financiers et l'étranglement de l'économie algérienne. J'aimerais clairement signaler que les opérations de “reprofilage" obéissaient à des conditionnalités plus fortes que le rééchelonnement au Club de Paris et au Club de Londres. Bien sûr, lorsque vous demandez un traitement plus spécifique, on exige de vous plus de garantie. Ce qu'il fallait faire, c'était allonger la maturité moyenne de la dette extérieure pour alléger le service de cette dette et permettre un meilleur approvisionnement de l'économie pour soutenir une reprise de la croissance économique durable et à fort contenu de main-d'œuvre. C'est l'objet du rééchelonnement que nous aborderons la semaine prochaine. À jeudi prochain pour un espoir renouvelé par nos engagements. Entre-temps, débattons sur les meilleurs moyens d'avancer vers un avenir de progrès et de prospérité pour tous les Algériens. À la tentation du pessimisme, opposons la nécessité de l'optimisme ! A. B.