PARIS - Les politiques économiques adoptées ces dernières années par l'Algérie visent à l'inscrire dans un développement social durable moins dépendant des fluctuations du marché pétrolier, a affirmé lundi à Paris le ministre des Finances, Karim Djoudi. "L'évolution récente de l'économie algérienne et les politiques poursuivies visent à inscrire le pays dans un développement économique et social durable", a indiqué le ministre lors d'une conférence-débat animée à l'Académie diplomatique internationale (ADI). Avant d'expliquer les choix de l'Algérie en matière de relance économique, l'invité de l'ADI a rappelé que, durant la période s'étalant du milieu de la décennie 80 au milieu de la décennie 90, les principaux indicateurs de l'économie, notamment ceux relatifs aux équilibres internes et externes, affichaient une tendance "prononcée à la dégradation". "Cette dégradation s'est enclenchée dès 1986, année d'un sérieux retournement de la conjoncture du marché pétrolier mondial", a-t-il dit, relevant notamment que le prix du baril de pétrole brut était passé de 33 dollars, en moyenne sur la période 1980-1985, à moins de 15 dollars en 1986. Cette période a été également caractérisée par la baisse de près de 40% des revenus extérieurs, générés quasi exclusivement par les exportations d'hydrocarbures, la dégradation du solde du compte courant extérieur, passant d'un excédent de 1 milliard de dollars en 1985, à un déficit de 2,2 milliards de dollars en 1986, tandis que l'encours de la dette extérieure s'est aggravé pour se positionner à plus de 30% du PIB de cet exercice et le service de la dette absorbait, déjà, 60% du revenu des exportations. La dégradation des principaux indicateurs de l'économie s'est poursuivie jusqu'en 1993, année d'essoufflement des équilibres et de rupture extrême de la position extérieure, avec un stock de dette extérieure de 26 milliards de dollars, dont le service absorbait 82% des revenus des exportations de 1993, a-t-il ajouté. Pour le premier argentier du pays, cette situation rendait "problématique" le fonctionnement de l'économie dans son ensemble avec un impact direct sur la population. "L'aggravation de la dette extérieure, symptôme et conséquence de cette crise, a été aussi le fait du recours à des financements extérieurs de court terme pour couvrir des importations de biens courants", a-t-il expliqué, soutenant que la configuration de cette dette, en termes de coût et de maturité, a rendu le recours à son rééchelonnement "incontournable pour desserrer la contrainte financière extérieure". Selon le ministre, le rééchelonnement de la dette extérieure a "effectivement desserré la contrainte financière extérieure" et sur la période 1994-1999 le retour graduel au rétablissement des équilibres interne et externe a été "perceptible". Il a cité, dans ce cadre, le passage du secteur réel de l'économie d'une phase de "quasi récession à une phase de reprise modeste de la croissance", la contraction des déficits budgétaires, la décélération de l'indice des prix à la consommation et les taux d'intérêt réels qui sont devenus positifs. Cette politique, a-t-il estimé, a permis la baisse du service de la dette aux alentours de 30% par rapport aux recettes d'exportation. M. Djoudi a signalé que face à la crise de la dette extérieure, des programmes d'ajustement, avec le FMI, ont été conclus et ont abouti en dernière instance au rééchelonnement de la dette extérieure en 1994 et à la mise en œuvre de programmes de stabilisation et d'ajustements macroéconomiques articulés notamment autour d'une forte dévaluation de la monnaie nationale, de la libéralisation du commerce extérieur, de la convertibilité du dinar pour les opérations courantes et de la libéralisation des prix intérieurs à la consommation. Il a, toutefois, observé qu'au plan de l'activité réelle, les entreprises publiques locales ont été, dans leur quasi-totalité, dissoutes avec apurement de leurs passifs par le Trésor. "La résultante de cette situation a été d'une part la forte compression de l'activité économique dans plusieurs régions de l'Algérie et d'autre part, un taux de chômage atteignant des niveaux proches de 30% à la fin de la décennie 1990-2000", a souligné le ministre. Tout en rappelant qu'au plan social, les années 1990 ont été marquées par l'entrée du pays dans un cycle de violence, se traduisant par des dizaines de milliers de morts, un exode rural massif et la destruction d'infrastructures, il a indiqué que les principaux défis que l'Algérie devait relever concernaient la croissance dans le secteur de l'agriculture, qui dépendait fortement de facteurs exogènes : aléas climatiques aggravés par une situation de stress hydrique, et l'activité dans le secteur industriel qui se heurtait à une plus grande concurrence sur un marché intérieur ouvert. Parmi ces défis, il a aussi cité les programmes avec le FMI qui avaient, a-t-il dit, déstructuré les entreprises par leurs incidences sur les taux d'intérêts et sur la parité du dinar par rapport aux monnaies des principaux partenaires de l'Algérie, renchérissant les coûts de production et d'investissement, tandis que les investissements directs étrangers se sont orientés vers des secteurs à faible valeur ajoutée, sans réel transfert technologique ni effet significatif sur la résorption du chômage. "Cet état des lieux a dicté la nature et la portée de notre démarche en matière économique qui s'est assignée comme objectif principal l'instauration d'un cadre macro-économique viable", a affirmé M. Djoudi, pour qui ce cadre était le préalable à la mise en œuvre des politiques visant à résorber le déficit en équipement public, à assurer la prise en charge des besoins sociaux de la population et à développer les PME, dans une vision de diversification des revenus internes et externes. Pour lui, il s'agissait de valoriser le potentiel de croissance dans les secteurs d'activité générateurs d'emplois et ayant la capacité de substitutions aux importations, de valoriser les ressources naturelles pour la promotion industrielle et d'assurer un déploiement spatial. Les politiques mises en œuvre se sont déployées sous plusieurs volets : les investissements publics, les conditions d'une meilleure compétitivité de l'économie et les dispositifs d'accompagnement social, a-t-il dit.