En 2012, l'Espagne est devenue le premier partenaire commercial du Maroc devant la France. Un résultat exceptionnel sur lequel se profile néanmoins l'ombre de l'épineuse question du Sahara occidental. Une réunion de la Haute Commission mixte Maroc-Espagne s'est tenue mercredi à Rabat, en présence des chefs de gouvernement Abdelilah Benkirane et Mariano Rajoy, au cours de laquelle plusieurs accords bilatéraux ont été signés. Les deux pays qui sont déjà liés par un accord de voisinage et de coopération signé en 1991 se sont dits déterminés à jeter les bases d'un partenariat stratégique. On ne parle donc que de “beau fixe" dans les relations entre Rabat et Madrid. Le renforcement de la coopération bilatérale est, il est vrai, très perceptible. La délégation officielle espagnole comprenait, outre Mariano Rajoy, sept ministres, soit la moitié du gouvernement espagnol. D'après les premiers échos, cette réunion de haut niveau est venue consolider particulièrement la coopération économique. On doit souligner que l'Espagne est devenue durant ce premier semestre 2012 le premier partenaire commercial du Maroc avant la France. Une première dans la région du Maghreb. Environ 900 entreprises espagnoles, tous secteurs confondus, sont implantées au Maroc, alors que 20 000 PME ibériques exportent vers ce pays. La hausse permanente des échanges commerciaux, notamment dans des secteurs clés de l'économie des deux pays, comme l'industrie qui attire 33% des investissements espagnols au Maroc, le tourisme (24%), l'immobilier (24%) et la banque (12 %). Le Maroc reste donc le principal partenaire commercial de l'Espagne en Afrique et le deuxième hors de l'Union européenne. Ces flux représentent près de 25% du volume des échanges entre le Royaume et l'UE. L'Espagne est aussi le deuxième investisseur étranger au Maroc, notamment dans les secteurs du tourisme, de l'habitat et des nouvelles technologies. Le Maroc attire, par ailleurs, 52% des investissements espagnols en Afrique. L'Espagne est surtout partie prenante dans le plan marocain de développement de l'énergie solaire, notamment en association avec les Saoudiens à travers le consortium ACWA-Aries-TSK qui vient de remporter récemment la première tranche de la construction de la grande centrale solaire de Ouarzazate. Entre rêve et realpolitik Sur le plan diplomatique, les médias marocains ont cru déceler à l'occasion de cette rencontre un bouleversement radical de la politique suivie depuis plusieurs décennies par le parti de Mariano Rajoy, le Parti populaire (PP) s'agissant du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole annexée par le Maroc en 1975. Ainsi, certains n'hésitent pas à évoquer un “virage à 180°" de la diplomatie espagnole. à l'appui de ce “revirement", une déclaration prêtée au ministre espagnol des Affaires étrangères et de la Coopération, José Manuel Garcia-Margallo, qui, semble-t-il, aurait été abusivement interprétée au Maroc. D'après cette assertion, le chef de la diplomatie espagnole aurait déclaré au cours d'une conférence sur “la politique étrangère de l'Espagne dans la Méditerranée", tenue au siège de l'Union pour la Méditerranée (UPM) à Barcelone, que “le plus grand défi pour le Maroc sera probablement la mise en œuvre de l'autonomie des territoires du Sud". D'aucuns en ont conclu très vite notamment avec l'utilisation pour la première fois du vocable “territoires du Sud" dans la bouche d'un officiel espagnol, un lapsus révélateur sur les intentions du gouvernement Rajoy s'agissant de la question du “Sahara occidental". C'est pourquoi José Manuel Garcia-Margallo a dû monter au créneau, à la veille de cette rencontre, pour réitérer, dans un entretien au quotidien catalan La Vanguardia, la position “immuable" de son pays sur la question du Sahara occidental qui, d'après lui, “ne devrait pas porter ombrage à l'excellence de ses relations avec le Maroc". Le chef de la diplomatie espagnole qui s'en tient au principe de la “neutralité active" a justifié à cette occasion le retrait des travailleurs humanitaires espagnols des camps des réfugiés sahraouis de Tindouf, en Algérie, par “des raisons purement sécuritaires". Il fera valoir à ce sujet la prolifération de plusieurs mouvements terroristes dans la région sahélo-saharienne et que des attaques contre les intérêts occidentaux n'étaient pas à écarter. Malgré l'optimisme et la realpolitik affichés de part et d'autre, il convient de rappeler que l'actuel chef de l'exécutif espagnol, Mariano Rajoy, était taxé, il n'y a pas si longtemps, “d'ennemi juré du Maroc". M C L