Le tribunal de Sidi M'hamed d'Alger a rendu, hier, son verdict dans l'affaire du directeur de la chaîne amazighe TV4, Saïd Lamarni, accusé de harcèlement sexuel sur trois employées. Ce dernier a été condamné à 6 mois de prison avec sursis, 20 000 DA d'amende et 100 000 DA de dommages et intérêts, d'après Me Youcef Dilem, l'avocat des victimes. Ces résultats ont été en général bien accueillis, car l'accusé, bénéficiant de “soutiens d'en haut, n'a pas la même stature que les autres harceleurs". “Le verdict rend justice à des femmes victimes de harcèlement. C'est une première en Algérie", estime Me Mounia Meslem, une des avocates du collectif de la défense. Désormais, “le harcèlement sexuel n'est plus un tabou", a-t-elle insisté. Pour Soumia Salhi, militante féministe et responsable de l'Association pour l'émancipation de la femme, “le courage des victimes, le soutien indéfectible des témoins et la mobilisation des associations et des individualités ont été déterminants et ont payé". “C'est une condamnation, ce qui permet de réhabiliter les victimes", a-t-elle soutenu, en rappelant que souvent “la parole des femmes victimes a été niée et leur récit remis en cause, alors qu'il s'agit d'une atteinte à la dignité de la femme." Dalila Djerbal, militante au réseau Wassila, a exprimé ce que bon nombre de personnes présentes pensaient intérieurement. “Ils ont essayé de couper la poire en deux, a-t-elle déclaré, non sans avouer que la portée de ce verdict demeure", très symbolique “et constitue même un avertissement pour les harceleurs sexuels." Du côté des victimes, même si le verdict reste faible, comparativement avec ce que le parquet avait requis le 30 septembre dernier (un an de prison ferme avec 50 000 DA d'amende contre l'accusé), “le fait qu'il y ait condamnation est une victoire". “Les harceleurs trouvent leur force dans le silence des femmes", a expliqué l'une des plaignantes, en invitant les femmes, mais aussi la société à lutter contre ce fléau. La moudjahida Zoulikha Bekaddour, pour sa part, s'est dit “réjouie que deux jeunes femmes, la juge et la procureure, aient eu le courage de porter ce jugement". Selon elle, “cela prouve que le combat des femmes du 1er Novembre 1954 n'a pas été vain". Par ailleurs, des militants et militantes des droits de l'Homme et des droits de la femme et de l'enfant, organisés en comité de soutien, n'ont pas exclu que le directeur de TV4, absent à l'audience d'hier, et suspendu de ses fonctions, le 1er octobre dernier, fasse appel. Dans tous les cas de figure, “la mobilisation se poursuivra", ont-ils annoncé. Dans l'après-midi, le comité de soutien, dans un communiqué rendu public, a qualifié le 14 octobre 2012 comme “le jour du triomphe du combat contre le harcèlement sexuel en Algérie". “Avec ce procès, la honte et la peur ont changé de camp", a-t-il indiqué, en saluant le “courage exceptionnel" des victimes et de leurs témoins. Puis de conclure que sa mobilisation va “s'élargir et se poursuivre". H A