L'Algérie ne dispose pas de moyens adéquats pour définir une réglementation idoine en vue d'éviter une catastrophe d'une telle ampleur. L'addenda introduit par le ministère de l'habitat et de l'Urbanisme au Règlement parasismique algérien (RPA) de 1999 n'a pas convaincu les experts très au fait du secteur. Ces derniers estiment que ce rajout n'a été effectué sur aucune base scientifique digne de ce nom. Les spécialistes avancent comme argument l'absence de laboratoire de dynamique doté entre autres, d'une table de vibration. Avec cette sorte de machine, les sismographes et autres scientifiques versés dans ce domaine exercent des simulations et calculent les différentes sismicités. Ils étudient aussi le comportement des immeubles lors des séismes à diverses amplitudes. Or, depuis le tremblement de terre qui a frappé la wilaya d'El-Asnam (Chlef) en 1980, l'état ne s'est jamais intéressé d'une manière sérieuse à ces questions, ô combien sensibles. Preuve en est : il n'existe toujours pas de laboratoire pour lancer des recherches et étudier les séismes qui se sont produits successivement en Algérie. Le Japon dispose de quelque 140 tables de vibration… L'Angleterre, qui n'est pas un pays proche des failles, en compte 18. Même le RPA 1999 n'a pas été élaboré suivant les normes requises, soulignent ces professionnels. Ce n'est qu'une copie presque conforme au règlement américain. “C'est un recueil de règles, un ensemble de dispositions constructives, mais pas un règlement proprement dit”, précisera le professeur en numérique et génie parasismique, Pr Chelghoum. Pour lui, ce RPA n'a pas été conçu suivant des essais dans des laboratoires. Si l'on tient compte du RPA 1999, le calcul de l'accélération du séisme à Zemmouri a indiqué le chiffre de 0,15 G. Celui avancé par le Craag et le CGS, en revanche, a affiché 0,60 G, soit une différence de plus de 300%. Ainsi donc, les habitations de cette localité, selon le calcul du RPA 1999, n'auraient pas bougé lors du séisme du 21 mai dernier. Mais la réalité est, au grand dam des citoyens, tout autre. Il y a eu par conséquent une erreur d'appréciation qui s'est avérée fatale. Le tremblement de terre qui a frappé Alger et Boumerdès a, il faut l'expliquer, dépassé largement les prévisions du RPA de 1999. Ce document devrait néanmoins prendre en considération le type de failles afin de prévenir beaucoup de choses. “La faute incombe au rédacteur du règlement”, déclarera sans ambages le Pr Chelghoum. Cependant, il aurait fallu lancer les premiers jalons d'une recherche plus adaptée et très fouinée depuis 1980. En Algérie, les dirigeants traînent encore malheureusement ce mauvais réflexe qui consiste à ne réagir qu'au lendemain d'une catastrophe, par manque de visibilité et de stratégie de prévention. “Ce n'est qu'une fois la catastrophe produite, que tout le monde se réveille…”, remarquera le Pr Chelghoum. L'addenda a été élaboré, selon lui, dans la précipitation. Le président du groupe génie parasismique créé par les pouvoirs publics ne veut pas précipiter les choses. Au lieu de passer directement aux correctifs des règles parasismiques, il fallait, explique-t-il, chercher les véritables causes du cataclysme. “C'est inconcevable d'apporter des corrections à un règlement en l'espace de quatre mois”, ajoutera-t-il. Les rectificatifs qui devraient être fondés sur des essais et des calculs scientifiques, puis suivis d'études de validation et de convergence, nécessitent un travail d'au moins deux années, voire plus. Les Japonais emploient, par exemple, un millier de scientifiques et chercheurs dans différents domaines pour la conception et l'élaboration d'un règlement parasismique. Il est tenu compte du sol, d'une façon rigoureuse, dans ce document. “Sur quelle base l'addenda du RPA 1999 a reclassé Alger et Boumerdès dans la zone sismique 3 ?” ne cesse de s'interroger le professeur. Avec cette méthode de calcul, argue-t-il, dans moins de 15 ans, c'est toute l'Algérie qui sera classée dans la zone 3 ! Autrement dit, il ne suffit pas de placer toute région touchée par le séisme dans la zone 3. La création d'une zone intermédiaire, comme consacré dans l'addenda, avoue-t-il, n'a pas en outre, de fondement géodynamique et scientifique. Cette décision passe impérativement par des recherches et des études sur le sol, l'effet de l'onde sismique… Le complément décidé par le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme qui oblige les opérateurs à ne pas construire uniquement avec le système poteaux-poutres, mais d'utiliser obligatoirement des voiles en béton armé (système mixte de voile portique), n'a, selon le professeur, pas raison d'être. “Il y a un défaut dans la réalisation et l'étude de sol et non pas dans le système (poteaux-poutres) en lui-même”, précisera le président du groupe de génie parasismique. Par ailleurs, le Pr Chelghoum réitère sa demande pour la mise en place d'une agence nationale de confortement parasismique des édifices et institutions stratégiques (hôpitaux, universités, musées, lycées…). Car, estime-t-il, la différence entre la réhabilitation et le confortement parasismique n'est pas perçue et prise en compte dans les wilayas sinistrées. Mais la crainte du Pr Chelghoum demeure, vu ces failles qui guettent toujours l'Algérie et qui risquent de causer d'énormes dégâts sur les immeubles de Didouche-Mourad et de la rue d'Isly. Ne disposant pas de résistance latérale aux forces sismiques, ces bâtiments risquent de s'effondrer à la suite d'un séisme de magnitude de seulement 6,2 ou 6,3… B. K. Règlement parasismique algérien Création d'une zone intermédiaire Des modifications et des compléments sont apportés récemment, aux règles et normes parasismiques du RPA (Règlement parasismique algérien) de 1999. Ces amendements prévoient ainsi, la création d'une troisième zone sismique intermédiaire, la 2B, qui s'ajoutera aux trois autres déjà existantes et classées 1, 2 et 3. Selon M. Bellazougui, directeur du Centre du génie sismique (CGS), cette nouveauté a permis le reclassement des wilayas d'Alger et de Tipasa dans la zone 3, englobant aussi les wilayas de Boumerdès et de Blida. Une prescription plus sérieuse du système poteaux-poutres en béton armé oblige des constructions de type R+1 en zone 3, R+2 en zone 2 B, R+3 en zone 2 A et R+4 en zone1. Les opérateurs sont également tenus, selon cette nouvelle réglementation, de ne pas construire uniquement avec le système poteaux-poutres, mais d'utiliser obligatoirement des voiles en béton armé (système mixte de voile portique) qui permettra un meilleur comportement des immeubles lors des séismes. Toutes ces règles parasismiques sont, faut-il le souligner, recueillies dans un fascicule élaboré par le CGS. B. K.