Les experts proposent des solutions préalables avant le lancement de ce projet D'aucuns s'interrogent sur la faisabilité du projet de 1 million de logements cher à Bouteflika, prévu durant le reste du quinquennat. Sept mois depuis l'annonce de la nouvelle sont déjà écoulés sans que l'opération ne connaisse un début d'exécution effectif sur le terrain. Même les programmes déjà lancés, il y a quelques années, ne pourront satisfaire cette échéance. Les experts sont à ce propos sceptiques. Les logements ne seront jamais livrés dans les délais impartis. Selon le professeur Chelghoum Abdelkrim, chercheur en génie parasismique, c'est un objectif qui fait partie du programme électoral du président de la République. Certes, il s'agit d'une initiative louable compte tenu du déficit aggravé et de la demande accrue dans le domaine. Toutefois, une évaluation simple des secteurs de l'habitat, des travaux publics, de l'hydraulique et des transports, qui représentent en réalité un seul et même secteur, le soubassement humain et matériel ainsi que les études ne sont pas suffisants. Pis, il est en deçà de ce qui est exigé par un projet aussi colossal que la réalisation de plus de 200 000 logements/an. L'exemple de l'Agence de l'amélioration et de développement du logement (Aadl) est, avoue le professeur, édifiant. Les 20 000 unités, argue-t-il, programmées, planifiées et lancées en 2001 ne sont toujours pas livrées en totalité en dépit de l'apport et de la contribution des entreprises chinoises avec armes et bagages. Il est souhaitable, suggère ce chercheur, que la configuration du projet soit rectifiée et le nombre revu à la baisse pour essayer d'être dans les temps. Il propose comme solution la réalisation de près de 70 000 logements/an et de prévoir parallèlement le renforcement et la réhabilitation de 100 000 logements/an du parc immobilier des trois métropoles : Alger, Oran et Constantine. C'est une forme de prévention en prévision d'un séisme majeur qui frapperait de nouveau le nord de l'Algérie. Par ailleurs, le préalable pour réaliser un tel projet est une carte macrosismique et un microzonage sismique des zones où les immeubles seront implantés. Les statistiques des experts indiquent que seulement 10% de ces terrains ont été inclus dans ce microzonage. Celui de la capitale n'est, cependant, pas encore achevé. Sans ces informations techniques, il serait pratiquement impossible, dira M. Chelghoum, de concevoir un ouvrage parasismique qui résistera aux effets d'un séisme majeur. “Nous avons toujours demandé la mise en place d'un organe compétent pour l'élaboration de ce type d'études, mais malheureusement nous accusons un retard considérable depuis le tremblement de terre de Chlef en 1980”, déplore le professeur. En outre, le règlement parasismique demeure, estime-t-il, archaïque et n'est fondé sur aucune justification scientifique. Il reste loin de la problématique posée par le type de bâti en Algérie et les phénomènes sismiques y existants. À titre d'exemple, l'addenda au règlement parasismique algérien (RPA) 2003 préconise une injection de voiles au sein des bâtiments dépassant une hauteur de 11 mètres sans donner aucune information sur le problème du sol sur lequel ces bâtiments devraient être édifiés. La défaillance au niveau de ces dispositions se manifestera dans le cas où le sol d'assise serait assez rocheux et ferme et dont la période de vibration propre s'approcherait de celle du bâtiment à implanter. Par conséquent, il risque d'y avoir une manifestation de résonance. Ce qui représente le phénomène le plus désastreux dans le cas d'un tremblement de terre. C'est ce qui a été constaté sur les sites à Boumerdès, Bordj Ménaiel. Dans certains cas, il serait plus sécuritaire de prévoir des bâtiments ductiles (souples), sans voiles, de grande hauteur fondés sur un sol rigide. Dans ce cas-là, il ne peut y avoir de phénomène de résonance entre les deux milieux (sol et structure). Ce qui évitera certainement tout endommagement ne serait-ce que partiel de l'ouvrage. Sur un autre registre, les deux prescriptions fondamentales d'une prévention dans le domaine de l'habitat, avoue M. Chelghoum, ont trait essentiellement au non-effondrement des bâtiments, quelle que soit l'intensité du séisme, et à la limitation de la détérioration des structures (dégâts) et les pertes en vies humaines. Devant une telle situation, les experts qui travaillent sur ces phénomènes depuis plusieurs décennies affichent une bonne volonté de régler ces problèmes en collaboration avec les autorités compétentes. “Nous sommes toujours disponibles à assister les institutions nationales, à étudier le microzonage du nord de l'Algérie. Mieux, nous proposons une démarche et une méthodologie pour l'élaboration d'un RPA fondé sur des justifications scientifiques et l'étude des différents paramètres relatifs aux effets de sites et géotechniques”. B. K.