Accuser le séisme de tous nos malheurs reviendrait à nier une réalité certaine. Les professionnels de la construction, scientifiques, architectes, ingénieurs et chercheurs universitaires sont unanimes à reconnaître que «la catastrophe a pour origine l'homme, à travers sa gestion de l'urbanisation». «Il faut, disent-ils, réconcilier l'homme de science et le décideur politique pour l'élaboration des plans d'occupation, de construction et d'aménagement du territoire». En Algérie, les différentes études géologiques et sismologiques ont montrés que 70% du nord du pays sont soumis à l'activité sismique. Le territoire algérien est soumis à une activité sismique intense comme en témoignent les nombreuses et violentes secousses ressenties dans le passé. D'ailleurs plusieurs failles sont aujourd'hui enregistrées le long des côtes algéroises qui peuvent causer d'autres séismes. Pour éviter ces catastrophes, les professionnels avaient fait plusieurs recommandations aux pouvoirs publics selon une réglementation parasismique des constructions et l'élaboration d'études de vulnérabilité au risque sismique. Malheureusement ces recommandations n'ont jamais été prises au sérieux. «Sur le plan réglementaire, conception et études, bref en théorie, les constructions publiques ou celles relevant du public sont à 90 % conformes aux normes. Mais sur le plan de la réalisation, c'est malheureusement tout autre chose», souligne le professeur Abdelkrim Chelghoum, président de la commission de suivi des travaux de réhabilitation installée par le ministère au lendemain de la catastrophe. Or toute construction parasismique doit répondre à sept critères bien définis pour éviter un maximum de dégâts. En effet selon le spécialiste en génie-sismique, toute construction doit répondre à ces critères «à savoir la rigidité, le principe de l'harmonie avec l'ensemble de l'architecture du site, l'isolation de la bâtisse du sol par une sorte de radier afin d'éviter toute résonance, la protection sismique, ainsi que la ductilité». En outre l'invité de L'Expression a expliqué que les paramètres essentiels qui doivent prévaloir dans tout acte de construction sont l'étude de sol, la qualité des matériaux et la qualification des entrepreneurs. «Si ces paramètres avaient été respectés le séisme du 21 mai dernier n'aurait pas causé autant de dégâts» ajoute le professeur Chelghoum. Afin d'y remédier, ce dernier préconise la révision du règlement parasismique (RPA 99) qu'il considère dépassé et obsolète.» Le RPA 99 est un règlement copié qui n'a rien à voir avec les spécificités algériennes. La période de vibration, il faut le dire, est fausse. Cette période de vibration est l'élément moteur sur lequel sont basées toute la rédaction et la conception du règlement. Comment pouvez-vous concevoir qu'on puisse mettre en place un règlement antisismique, qui est un exercice très délicat, très scientifique et très théorique et expérimental à la fois, sans laboratoire de recherche spécialisé?» «Comment voulez-vous travailler sans un matériel adéquat, Ce n'est qu'après le séisme du 21 mai que l'Etat s'est doté d'une table vibrante acquise au prix de 7 millions de dollars» s'étonne le scientifique. «Pourtant un budget de 12,4 milliards de dinars a été dégagé pour la recherche scientifique dans le plan de la relance économique et de soutien au programme du Président de la République», ajoute l'orateur. De ce budget il n'a été utilisé que 5 % pour des achats de petits matériels. Questionné sur le dépôt de plainte émis par le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme, notre interlocuteur dira: «Certes la législation lui dicte de déposer une plainte mais en tant que premier promoteur il est le premier concerné.» En filigrane, le ministère a déposé plainte contre lui-même.