Entre dialoguistes et radicaux, autonomistes, nationalistes, voire même internationalistes partisans d'une mythique Tamazgha que l'Histoire n'a jamais connue dans son unité, la confusion règne en Kabylie. Et ce n'est certainement pas la proximité de l'élection présidentielle qui va favoriser la clarté des débats. A quatre mois de ce rendez-vous devant coïncider avec la commémoration du 3e anniversaire du Printemps noir, il y a peut-être lieu de se mettre à l'abri des calculs politiques sournois qui risquent de dilapider les bénéfices engrangés par le mouvement citoyen, un mouvement qui a su favoriser la jonction entre la jeunesse et la tradition ancestrale et ressusciter l'espoir d'une cohésion au sein d'une population qui a trop souffert des clivages partisans de ces dernières années. Pourtant, l'incapacité de cette même population à bâtir un projet propre, alors qu'elle sait résister dans l'adversité, guette comme un mal impossible à conjurer. Un mal atavique qui se manifeste à chaque fois que la Kabylie doit s'affirmer face à un système politique qui n'a jamais cessé de l'agresser. En 2001, elle avait trouvé des ressources dans un système ancestral détruit par le colonialisme, pour briser le cercle infernal d'une répression qui avait fait des milliers de victimes entre morts et blessés. A force d'hésitations sur ses véritables objectifs et à cause d'un mode de fonctionnement presque folklorique, le mouvement des archs est guetté par l'impasse. Sa véritable nature est on ne peut plus imprécise. Né dans la douleur pour parer à une situation tragique, il n'est ni l'héritier du Mouvement culturel berbère (MCB) dont il porte les principales revendications, ni un parti politique malgré une plate-forme politique, ni un mouvement autonomiste du fait que la plate-forme d'El-Kseur est une doctrine de type nationaliste qui, au demeurant, n'a pas trouvé écho dans les autres régions, même si la légitimité de ses revendications est partout reconnue. Une nécessaire clarification doit donc se faire avant que les archs se présentent comme les dépositaires de la confiance de la population de leur région. Dans le contexte actuel, aucune “tendance” ne peut se revendiquer de cette légitimité. Le contraste est saisissant entre les espoirs nés en 2001 et la désaffection envers ce mouvement qui, aujourd'hui, est notamment boudé par les élites intellectuelles de Kabylie. Les archs ne peuvent pas continuer à exister pour servir les ambitions de quelques personnes qui ont fini par s'affirmer comme les leaders, malgré le paravent de l'horizontalité érigé justement pour permettre au mouvement de garder son caractère populaire. Force est de constater que cette protection n'a pas résisté aux ambitions de personnes voulant se faire une place dans le système, ni aux tentatives de manipulation et d'infiltration du pouvoir. Faut-il rappeler d'ailleurs, que l'organisation des archs, qui avait permis, des siècles durant, d'assurer la paix sociale et la démocratie directe dans les villages, avait connu son efficacité à une ère où l'Etat n'avait pas d'existence. Lors de leur conclave fondateur d'Illoula, les archs avaient refusé de se poser comme une alternative aux partis politiques. Rien ne partait aujourd'hui moins certain. Leur action se situe essentiellement sur le terrain politique, parfois au détriment des espaces réservés aux partis. Il est peut-être temps de sortir de cette ambivalence et de retourner à la base, en vue d'envisager une transformation. L'hypothèse comporte des risques. Dont celui d'un désaveu de la part d'une population qui sait garder raison au moment de rendre le verdict. Quant au dialogue, il ne peut être un tabou. à condition qu'il se fasse avec les bons interlocuteurs et qu'il ne soit pas empreint de préjugés. N. B.