Pourtant l'Etat ne cesse de crier sur tous les toits que la production nationale est en mesure de faire face à la demande. Impuissants, pouvoirs publics et population subissent une flambée impitoyable, sans doute jamais égalée, des prix du mouton durant ces trois derniers mois. Etat et citoyens se renvoient la balle quant aux causes qui seraient à l'origine d'un tel phénomène. Les responsables évoquent une spéculation à laquelle prennent part, de manière directe ou indirecte, les consommateurs. Ces derniers, quant à eux, déplorent l'incapacité des dirigeants concernés à pouvoir imposer une régulation sur le marché. Au nom de la liberté des prix, décrétée par une économie de marché désavantageuse, jusque-là, pour le pays, les tarifs du bélier sont passés du simple au double en l'espace de quelques mois. L'ovin, qui se vendait il y a à peine une année à 25 000 DA, est affiché actuellement à plus de 50 000 DA. “Et quel mouton !" lancerait tout acheteur lourdement désillusionné par le poids et la corpulence peu enviables de son bélier. C'est légitime de sa part car il n'en a pas eu pour son argent. À tel prix, la bête est chétive et ne satisfait pas son preneur. “Elle ne remplit pas l'œil", tenterions-nous de dire pour reprendre une expression bien de chez nous. La fourchette des cours se situe entre 40 000 et 70 000 DA. Il y a même des béliers vendus à 100 000 DA ! Tout musulman qui se respecte se veut souvent dithyrambique envers cet animal “sacralisé" par la religion et n'hésite pas à engager toutes ses économies, afin de l'obtenir. Si tant est que ses revenus permettent de faire des économies. Or, de nos jours, le père de famille doit se sacrifier pour accomplir... ce sacrifice ! Comme si l'on cherchait un cinquième pied à... un mouton ! Pourtant, l'Etat ne cesse de crier sur tous les toits que la production nationale est en mesure de faire face à la demande. Ce qui devrait engendrer, en principe, une baisse certaine des prix. Mais la réalité du terrain est tout autre. Le cheptel ovin, évalué à 22,5 millions de têtes, ainsi que les 2 millions de têtes de bovins bénéficient d'une attention particulière de la part de la tutelle. Le Madr déploie tous les efforts nécessaires à même d'améliorer, d'élargir et de protéger la filière animale afin de garantir une production des viandes rouges saine et suffisante. Un vaste programme de prévention et de sensibilisation, destiné aux éleveurs, afin de prémunir le bétail contre les diverses maladies, est mené à longueur d'année, suivi d'une campagne intensive de vaccination. “La production nationale, ovine et bovine, enregistre une sensible augmentation. Cette croissance est due notamment à l'augmentation de la natalité conjuguée à l'amélioration des conditions sanitaires du cheptel", soutient-on au département de Rachid Benaïssa. L'offre reste suffisante mais... L'effectif du cheptel sacrifié chaque année lors de la fête de l'Aïd el-Adha est estimé à environ 3 millions de têtes d'ovin. Pour cela, le ministère continue à entonner sa... moutonnade et déclare : “La production nationale répond largement à la demande." Le Madr affirme, par conséquent, que la hausse des prix n'a pas une explication convaincante que l'on peut justifier sur le plan économique. L'on peut retenir comme argument plus ou moins valable, toutefois, l'augmentation des cours des aliments de bétail sur le marché international. Et les fuites de milliers de têtes opérées par les contrebandes à travers les frontières des pays voisins ne font qu'envenimer la situation. Cependant, la raison la plus plausible demeure le comportement spéculatif de quelques barons opportunistes friqués au bras long qui rachètent des milliers de têtes auprès des éleveurs pour les revendre à des prix doubles... Mandataires et autres intermédiaires prennent ensuite le relais, portant le prix à des niveaux incroyables et inconcevables. Intransigeants sur le seuil des tarifs, les revendeurs malins ne se... “moutonnent" jamais dans les transactions. Face à ce fait accompli, le ministère demande néanmoins aux citoyens, consommateurs, commerçants et maquignons d'éviter l'abattage excessif des brebis et des agnelles dont l'effectif avoisine les 14 millions de têtes pour une gestion rationnelle et la préservation de ce patrimoine. Et sur le plan sanitaire, les pouvoirs publics ont lancé, comme à l'accoutumée, une vaste campagne de sensibilisation pour la lutte contre le kyste hydatique. Pour garantir une bonne couverture sanitaire du cheptel à sacrifier, des points de vente sont désignés dans chaque wilaya du pays où sont placés des vétérinaires agréés, chargés du contrôle du cheptel. Des permanences seront également ouvertes au niveau des bureaux d'hygiène communaux. Le jour de l'Aïd, tous les établissements d'abattage, répartis sur l'ensemble du territoire national, ouvriront leurs portes pour inciter les citoyens à sacrifier leurs animaux dans une enceinte conforme et contrôlée. Des tournées seront effectuées par les services vétérinaires de wilaya au niveau des APC et des lieux d'abattage, notamment en milieu rural pour contrôler et répondre aux sollicitations des citoyens. Une chose est certaine, la tutelle a mis en place tous les moyens nécessaires pour que le citoyen évite toute... moutonnerie lors du sacrifice. B K