Le mouton, avant de finir sa course dans l'assiette du consommateur, aura au préalable suivi un parcours jalonné d'intermédiaires dont chacun prélève sa marge. “La course aux moutons", à Laghouat a été lancée bien avant l'été passé. En effet, avant d'atterrir dans les assiettes, le mouton a déjà suivi un long parcours où chaque acteur de la filière ovine prend sa marge financière. Résultat : les prix donnent le vertige et ils le sont généralement plus quand les ménages s'y prennent tard — le jour de l'Aïd —, alors que la demande explose. Le circuit créé par les intermédiaires est long, déplorent les citoyens interrogés par Liberté. En effet, bien avant le mois d'août dernier, les intermédiaires guettent les éleveurs potentiels de la région qui leur vendent, en gros, leurs bêtes. Au final, “les moutons passent entre 3 et 4 mains, voire 5", indique un éleveur. Ils les engraissent pendant quelques mois pour imposer leur prix dans les marchés aux bestiaux à la veille de la fête de l'Aïd. Conséquence : alors que l'éleveur vend au maximum 29 000 DA sur pied un agneau, le consommateur devra débourser au minimum 45 000 DA dans les marchés aux bestiaux. “Les prix des moutons qu'on m'a proposés sont trop élevés. Est-ce que ces gens-là savent dans quelle situation se trouve le citoyen à moyenne bourse ? Nous faisons déjà tant de gymnastique pour joindre les deux bouts", déplore un père de famille rencontré au marché hebdomadaire de Bellil, 90 km au sud de Laghouat. Et d'ajouter : “Regardez ce petit mouton qu'on veut me vendre à 55 000 DA. En temps normal, je ne donnerai même pas 30 000 DA pour cette bête. C'est vraiment scandaleux." Il faut dire qu'à l'approche de chaque fête de l'Aïd, ces mêmes spéculateurs jouent un grand rôle sur le marché des ovins. Cette dimension s'étend même au-delà des frontières de la wilaya de Laghouat car, en réalité, les prix moyens du mouton sont déterminés, nous indique un maquignon, par les principaux marchés aux bestiaux de Djelfa, Birine, In Roumia et Boufarik. Quant à la région de Laghouat, l'orientation des prix est arrêtée par les marchés de Hassi-Dellaâ, Hassi-R'mel, Bellil et Laghouat. Ce sont des marchés de la “bourse" manipulés par des intermédiaires et autres négociants qui “ont à la place du cœur un portefeuille ; et du cerveau, un coffre-fort", juge-t-il. Le mouton est un produit quasiment incontournable en cette fête religieuse, et non réglementé, les prix sont décidés en principe, selon la loi de l'offre et de la demande. Contournant cette “règle d'or", les lobbies de ces marchés défient toute règle de l'économie de marché, et ce, en excellant dans une concurrence déloyale qui ne dit pas son nom. En effet, cette année, le mouton de l'Aïd a inondé les points de vente réglementaires de la région de Laghouat. Cependant, le prix sur pied donne le vertige. Ainsi, la différence du prix du mouton acheté en gros par le spéculateur est cédée à des prix inaccessibles pour les bourses moyennes. L'agneau, qui oscille autour des 29 000 DA l'unité à l'achat en gros, est vendu à pas moins de 47 000 DA. Le mouton moyen acquis en gros 45 000 DA l'unité, lui, est cédé à pas moins de 60 000 DA. Quant au bélier acquis entre 50 000 DA et 60 000 DA, il a atteint les 90 000 DA. La brebis de faible poids est cédée entre 23 000 et 30 000 DA. Et le caprin, lui, vacille entre 8 000 et 17 000 DA. En somme, le mouton de l'Aïd reste hors de portée de la majorité des citoyens, plus précisément les sans-revenus et les petits fonctionnaires. Il faut dire que la contrebande, favorisant autrefois la flambée des prix, s'est invitée cette année aux marchés de la région de Laghouat comptant écouler le mouton marocain et celui des régions du Sahel, notamment le mouton du Mali et du Niger pénétrant, sans doute, par le territoire de Tamanrasset et autres régions frontalières du sud du pays. Le mouton marocain est caractérisé par des points noirâtres autour des narines, des oreilles et de la bouche. Il est appelé localement aghname sardya. En dépit de son bas prix, l'acheteur n'est pas “chaud" pour en acquérir. Par ailleurs, cette année, la période d'achat du mouton de l'Aïd a coïncidé avec la campagne de contrôle qu'effectuent les éléments des services vétérinaires de la wilaya de Laghouat à travers les marchés aux bestiaux et autres points de vente. Cette action, justifiée par le risque de contagion des maladies animales dangereuses telles que la langue bleue, se traduit par l'interdiction de la commercialisation des moutons nuisibles à travers l'accouplement, aux bonnes espèces ovines que recèle jusque-là notre pays telles que le mouton de Ouled Djellal et Errambi. Toutefois, les prix continuent à grimper, au grand dam des ménages qui traînent encore des dettes et qui sont déjà ruinés par les évènements successifs notamment le Ramadhan, l'Aïd el-fitr et la rentrée scolaire. Une vraie saignée au vu de l'envolée des prix des fruits et légumes. B A