Hillary Clinton arrive à Alger. Il sera question du Sahel. L'Algérie n'a pas de position tranchée sur la question de l'intervention au Mali. Il se trouve que les Etats-Unis non plus, même si leur vote de la résolution y afférente montre qu'ils ont consenti à cette perspective. L'Algérie, de son côté, s'y est rangée, en maintenant sa décision de ne pas prendre part. Désormais, les divergences sont clairement d'ordre politique : qui est qui au Mali ? Et pour cause ! À quel pouvoir, doté de quelle légitimité, faudra-t-il remettre le Sud-Mali “reconquis" ? C'est la faiblesse de l'Etat malien, gangrené par la corruption et l'impopularité d'un régime injuste avec les tribus et les ethnies qui, après avoir dilapidé une bonne partie des quelques acquis démocratiques du pays, est à l'origine de l'effritement de l'autorité officielle. Qui, au Sud, est force politique susceptible d'être associée à la solution politique, et qui est une organisation terroriste devant être anéantie ? Pour l'heure, on le sait par Fabius, la question du statut des islamistes touaregs d'Ansar Eddine divise l'Algérie et la France. Notre gouvernement n'ayant pas jugé utile d'expliquer aux Algériens les fondements de cette position. En somme, l'entreprise militaire paraît hasardeuse et la solution politique laborieuse dans un pays livré aux rapports de force centrifuge et privé d'Etat. La première cause de ces fatals bouleversements réside dans l'incohérence ethnoculturelle du découpage colonial solidairement assumé par la communauté des Etats indépendants d'Afrique. Les régimes ayant pris le pouvoir ou placés par l'ex-métropole n'avaient alors d'autre choix que la centralisation totale de l'autorité et l'usage systématique de la force pour contenir les contestations tribales, ethniques, communautaires ou régionales du schéma d'organisation des espaces libérés du colonialisme. Cette inévitable dérive dictatoriale des régimes postcoloniaux s'accompagna, dans la pratique, d'une tendance prévaricatrice clanique et tribale généralisée. Pour que ces systèmes répressifs et rentiers soient viables, il fallait que se structure un rapport nord-sud qui leur assure un soutien de l'ex-métropole sinon d'autres puissances. Ces régimes dictatoriaux se sont légitimés par le fait que les forces politiques qui les composent avaient contribué de manière décisive aux indépendances nationales, puis ont bénéficié de la bonne grâce de puissances parraines, parfois de celle de l'ancienne puissance. En contrepartie, les ex-colonies restaient inscrites dans le système de l'ancienne division du travail : pourvoyeuses de matières premières et de marché pour surplus industriel. Il y a eu, jusqu'ici, une relation quasi-mécanique entre la nature des régimes africains et la nature de leurs relations aux puissances développées. La crise de ce monde communiste, modèle du tout-Etat, puis la crise économique du monde développé ont conduit en deux temps à la crise de légitimité des régimes du monde sous-développé d'Afrique, de Méditerranée et du Moyen-Orient, aujourd'hui “lâchés" par la reconnaissance internationale. On remarquera d'ailleurs que si l'on excepte la Libye, la stabilité de ces régimes est directement fonction de leur contribution à l'offre de pétrole et de gaz. On remarquera aussi que si le régime syrien tient encore, c'est grâce à la résurgence, sous une forme renouvelée, du système d'équilibre Est-Ouest. Le Mali n'est pas le seul pays à devoir revisiter cette espèce de décolonisation inachevée. M. H. musthammouche@yahoo.fr