Résumé : Pendant que les invités dansent et chantent, Hadja Taos en profite pour discuter avec son fils et sa belle-fille. Elle leur demande de prendre Lynda chez eux, le temps de ses études à la fac. Ils ne refusent pas. Après la fête, elle décide de parler à sa petite fille. Lynda en rit. Elle n'a pas conscience du danger ... Durant les quelques semaines qui restent avant le départ de sa petite fille à Baïnem, Hadja Taos en profite pour discuter avec elle. Elle tient à la mettre en garde. Lynda l'écoute parfois sans faire un seul commentaire. Et il lui arrivera de s'emporter à deux reprises. Elle ne supporte pas qu'on ne lui fasse pas confiance. Elle a bien senti que sa grand-mère se fait du souci pour elle. Pourtant, elle n'a jamais connu d'histoire d'amour, même si les soupirants n'ont jamais manqué. Elle ne comprend pas l'inquiétude de sa grand-mère. Celle-ci sait qu'elle a mis la pression sur Lynda mais elle ne peut pas s'empêcher de lui dire ce qu'elle a sur le cœur. Quand son fils Abdelkrim vient la chercher, au risque de se répéter, elle lui demande de garder un œil sur elle. _ Elle est jeune ! Je ne voudrais pas qu'il lui arrive malheur ! Je ne le supporterai pas... _ Ne t'en fais pas maman, répond-il. Il ne lui arrivera rien de mon vivant ... Elle va vivre sous ma protection ! - Je ne doute pas de toi, mon fils. Mais il faudra que tu sois sévère avec elle, lui recommande-t-elle. Elle a l'habitude de n'en faire qu'à sa tête ... Ici, personne n'a osé l'approcher. Personne ne pouvait abuser d'elle. Elle est jeune et naïve. Et surtout inconsciente. Elle va continuer à faire confiance aux autres et à ne leur attribuer que de bonnes intentions. C'est ce qui la perdra s'il n'y a pas quelqu'un pour la protéger, insiste la grand-mère qui ne se souvient pas avoir autant craint l'avenir depuis longtemps. _ Je te comprends, la rassure Abdelkrim. Je la surveillerai et je te promets d'en prendre soin ! _ Mon fils chéri, ma bénédiction t'accompagne ... Elle le serre très fort dans ses bras. Elle a des larmes aux yeux et se détourne vite, pour qu'il ne les voie pas. Elle va dans la chambre de Lynda. Celle-ci finit de se préparer. Elle n'arrive pas à se décider. - Le vert ou le bleu, lui demande-t-elle en lui montrant les fards à paupières. C'est la première fois que j'en mets ... Je ne sais pas quelle couleur choisir ! - Tu es plus belle naturelle, lui dit Hadja Taos. Tu n'as pas besoin de maquillage pour l'être ... Mais Lynda ne prête pas attention à ce qu'elle vient de lui dire. Elle choisit le bleu et applique soigneusement le fard, sous le regard déçu de sa grand-mère. Cette dernière secoue la tête et soupire profondément. Le soupir ne lui échappe pas. Comme la fois précédente, elle s'énerve. Elle ne supporte plus que ses paroles ou ses gestes soient critiqués. _ Tu as pris le parti des garçons, lâche-t-elle. Je n'aurais jamais cru que tu puisses ne plus m'aimer ! _ Tu te trompes, tu es toujours ma favorite ... Personne ne peut prendre ta place dans mon cœur ... Même quand tu seras à Alger, je ne cesserai de penser à toi ... Il est vrai, reconnaît Hadja Taos, que j'en ai peut être trop dit ... Seulement, c'est par amour. J'ai tellement peur pour toi que je vois le mal partout ... Si je pouvais encore marcher et rester debout longtemps, je te jure que je ne te laisserais pas seule là-bas, je t'aurais accompagnée moi-même aux cours ! N'en déplaise à tes profs ! _ Heureusement que le rhumatisme ne te permet plus d'en faire qu'à ta tête ... Il me rend un grand service. Il m'évite d'être ridiculisée par les peurs de ma grand-mère ! Essaie d'imaginer la scène. Je suis en cours, toi assise un peu plus loin ... avec ta canne à portée de main, pour frapper les audacieux ! _ Dis plutôt les vicieux, rectifie Hadja Taos. A chaque fois que j'aurais brandi ma canne, ç'aura été pour te protéger des coups durs de la vie ! _ Tu m'en as tellement parlé que j'en suis malade d'inquiétude, lui avoue la jeune fille. A t'écouter, il ne faut faire confiance à personne ! - Dieu merci, elle n'a pas tout oublié ! s'écrie Hadja Taos en la prenant dans ses bras, pour la serrer contre son cœur. Comme tu vas me manquer ! _ Tu n'auras plus personne à crier après du matin au soir , mais je viendrais les week-ends. On aura tant de choses à se confier, grand-mère ... Les week-ends ne seront pas suffisants ! _ Jure-moi que tu te confieras toujours à moi ! _ C'est juré, promet la jeune fille. Grand-mère, il m'appelle, il faut que j'y aille ! _ Bon voyage, ma fille ... N'oublie pas ce que je t'ai dit, la prie-t-elle en l'accompagnant jusqu'à la voiture. Toute la famille les attend. Tous sauf ses petits-fils. Lynda se passe de leur bénédiction pour partir. Elle a le cœur léger. La discussion qu'elle a eue avec sa grand-mère lui a fait beaucoup de bien. Elle n'aurait pas supporté de la quitter froidement. Elles se sont toujours bien entendues. Elle prie pour qu'il en soit toujours ainsi. (À suivre) A. K.