Les chiffres que nous venons de recueillir auprès de la Cnep confirment le décollage du crédit immobilier. Déjà plus 30 milliards de DA à fin août 2012. Une nouvelle progression de plus de 27% en un an. Tous les acteurs bancaires s'y mettent et la barre du milliard de dollars (75 milliards de DA) accordés par les banques commerciales algériennes devrait être franchie à la fin de l'année. Au printemps dernier, la Banque d'Algérie avait déjà signalé une croissance accélérée des crédits immobiliers aux ménages en 2011.Une augmentation estimée à près de 19% pour l'année dernière. Les informations communiquées ces derniers jours par la Cnep, qui reste l'acteur dominant du secteur, renforcent la tendance. Il faut dire que depuis quelques années, les pouvoirs publics ont mis le paquet pour y parvenir et que le crédit immobilier est devenu un de leurs enfants chéris. Des conditions très avantageuses La LFC 2009, célèbre pour avoir “inventé" le fameux 51/49, a aussi créé un dispositif de bonification des taux d'intérêt extrêmement avantageux pour les emprunteurs. Ce dispositif, dont sont exclus les seules auto-constructions en milieu urbain et la vente entre particuliers, se traduit dans la plupart des cas par un taux d'intérêt effectif qui ne dépasse pas 1%. Ce qui en période d'accélération de l'inflation constitue une véritable aubaine pour les emprunteurs. Ces derniers ne s'y trompent d'ailleurs pas et les banques algériennes doivent gérer depuis plus de 2 années maintenant un afflux sans précédent de demandes de crédits. Le revers de la médaille est constitué par des délais de constitution et de traitement des dossiers qui atteignent couramment, selon divers témoignages, plusieurs mois en raison principalement du nombre toujours excessivement élevé de documents à produire. Les banques évoquent de leur côté des délais de traitement des dossiers “complets" qui dépassent rarement quelques semaines. Après avoir connu quelques retards, la mise en place de ces mesures est effective dans la plupart des banques publiques depuis le début de l'été 2010. Les banques privées ont été un peu plus longues à l'adopter mais semblent désormais, pour les plus importantes d'entre elles, avoir pris le train en marche. La CNEP, locomotive du secteur Les derniers résultats disponibles confirment un engouement incontestable. Le palmarès reste dominé par la Cnep. Le nombre de crédits accordés l'année dernière par la “banque de l'habitat" était déjà en hausse de près de 25% et dépassait les 21 000 dossiers traités, tandis que le montant des crédits accordés explosait littéralement en représentant plus de 36 milliards de DA ; en hausse de 50% par rapport à 2010. Les derniers chiffres, non encore rendus publics, arrêtés à fin août 2012, indiquent que la tendance ne fléchit pas. Le montant des crédits est de nouveau en hausse de plus de 27% en un an. Durant les huit premiers mois de l'année 2012, la Cnep a accordé un peu plus de 15 000 crédits hypothécaires aux particuliers pour un montant de 30,7 milliards de DA. Sur l'ensemble de l'année 2012, la banque dirigée par Djamel Bessa est en route vers une production record de 45 milliards de DA. Les crédits bonifiés se taillent la part du lion dans cette progression accélérée. Le nombre des crédits à taux bonifiés représente 46,5% du total des crédits hypothécaires accordés aux particuliers. Un responsable de la Banque précise : “Ce sont plus de 26 000 crédits bonifiés qui ont été accordés par la Cnep depuis le démarrage de la nouvelle formule. Les crédits à taux bonifiés ont été lancés à la Cnep-Banque en mai 2010 avec effet rétroactif aux dossiers déposés jusqu'en mars 2010. Ils sont destinés aux programmes LPA dont le prix ne dépasse pas 2,8 millions de DA et à l'achat d'un logement neuf collectif acquis auprès d'un promoteur public ou privé dont le prix ne dépasse pas les 12 millions de DA. Ils peuvent également financer l'auto-construction en milieu rural." Les banques publiques montent au créneau Même si elle revendique 55% de part de marché, la CNEP est loin d'être seule à convoiter le gisement commercial que constitue désormais pour l'ensemble des banques le marché du crédit immobilier. La CNEP a été surtout concurrencée au cours de la décennie écoulée par la BDL, qui a fait de ce créneau l'un des moteurs de sa croissance. Une stratégie confirmée et renforcée en 2011. La BDL a accordé l'année dernière plus de 6 600 crédits immobiliers aux ménages pour un montant total de 7,6 milliards de DA, en hausse de 54% par rapport à 2010. Une performance qui pourrait bien se répéter cette année. Dans une intervention récente, le PDG de la plus petite des banques publique Mohamed. Bachetarzi précise que “les six premiers mois de l'année en cours ont connu pour la BDL une nette progression des crédits immobiliers avec une production de 7,2 milliards de DA". Il prévoit également, de façon très conservatrice, que “l'année 2012 devrait être bouclée avec un chiffre de plus de 9 milliards de DA". La BEA de son côté est un nouveau venu dans le segment du crédit immobilier. Son arrivée est le résultat d'une politique de diversification tous azimuts de ses activités et de son passage à un statut de banque universelle. Les ambitions de la banque sont à la mesure de sa taille. Son plan de développement ne vise rien moins que 25 milliards de DA de crédits immobiliers au terme de la période 2010-2012. Le PDG, Mohamed Loukal, annonçait dans une interview récente une production de 13,7 milliards de DA à fin 2011. Les banques privées suivent... Les banques privées s'étaient montrées, jusqu'à une période récente, plus réservées vis-à-vis d'un produit dont le développement restait, selon un banquier privé, contrarié principalement par “l'insuffisance de l'offre de biens ainsi qu'une spéculation importante qui fait que le prix des biens disponibles dépasse souvent de beaucoup la capacité d'endettement des clients des banques". Certaines de ces banques, à l'image de Société générale Algérie et BNP Paribas El-Djazaïr semblent depuis le dernier trimestre 2010 avoir changé leur fusil d'épaule et s'être décidées à exploiter résolument les opportunités offertes par le nouveau dispositif gouvernemental. Ainsi qu'en témoignent les vastes campagnes publicitaires lancées dès la fin de 2010 pour la promotion des produits Marhaba et Immo+. Explication d'un spécialiste du dossier : “Les augmentations de salaires des dernières années, combinées à la réduction des taux d'intérêt, ont changé la donne et renforcé sensiblement la solvabilité des demandeurs de crédit." Les résultats pour 2011 indiquent que le nombre de crédits accordés par SGA ont “fait la culbute" pour la deuxième année consécutive pour atteindre le montant de 2,7 milliards de DA. La stratégie mise en œuvre par Algeria Gulf Bank (AGB) est plus originale. La banque, qui “ne fait pas le crédit bonifié", vise une montée en puissance de son crédit immobilier baptisé “Bayti" grâce à des actions commerciales initiées fin 2011auprès de promoteurs immobiliers “premium" et à une rémunération des agences immobilières pour leur apport d'affaires. L'objectif est de doubler la production enregistrée en 2011 en la faisant passer de 1,5 à 3 milliards de DA dès cette année. Une différence notable à souligner entre banques publiques et privées. Le montant moyen des prêts accordés par la Cnep est proche de 1,5 million de DA. Les banques privées semblent sélectionner une clientèle plus aisée avec un montant moyen de prêts d'environ 3 millions de DA pour Société générale Algérie. H. H.