Le déplacement que s'apprête à faire le président François Hollande, dans la seconde moitié du mois de décembre à Alger, ne s'annonce pas sous les auspices de la banalité. Et le président français, lui même, le présente avec les accents d'un moment important de la relation bilatérale, cinquante ans après l'Indépendance. “Ce voyage est attendu et espéré comme un grand moment, compte tenu de la relation à la fois entre les deux pays et entre les deux présidents", a expliqué M. Hollande lors de sa première grande conférence de presse depuis son élection à l'Elysée. Comme pour conjurer, dès à présent, toute mauvaise surprise que n'exclut pas la relation tumultueuse qui lie les deux pays, François Hollande a souligné à propos du voyage : “Nous le préparons avec beaucoup de soins." C'est dans ce cadre qu'il faut inscrire le cortège des ministres français qui se sont succédé à Alger : Laurent Fabius (Affaires étrangères), Yamina Benguigui (Francophonie), Nicole Bricq (Commerce extérieur), Manuel Valls (Intérieur), Arnaud Montebourg (Redressement productif). “Nous préparons ce voyage avec beaucoup de soin parce qu'il y a des questions qui intéressent nos deux pays — des Algériens qui vivent en France, des Algériens qui veulent venir en France et qui ne le peuvent pas parce qu'il y a des règles — qui intéressent aussi l'avenir et l'histoire", a insisté M. Hollande en évoquant des “potentialités énormes". Le président français, qui a fait un geste en direction d'Alger en reconnaissant le massacre d'Algériens lors de la manifestation parisienne du 17 Octobre 1961, estime que “l'histoire doit servir à bâtir l'avenir et non pas à l'empêcher", a-t-il ajouté. Cette analyse exclut en creux la reconnaissance de tous les méfaits de la colonisation et toute idée de repentance que ne comprend même plus Daho Ould Kablia à l'inverse de son collègue Mohamed Chérif Abbas qui la répète comme une antienne sans doute dans le cadre d'un partage des rôles puisqu'il est le ministre des Moudjahidine. On se souvient qu'en 2007, il avait soulevé une bronca juste avant la visite de Nicolas Sarkozy dont il avait souligné les origines juives. “Nous aurons à nouer une relation dont nous savons qu'elle sera forcément particulière avec l'Algérie, afin que nous puissions enfin dépasser, surpasser tout ce qui est lié à l'histoire, à une histoire douloureuse, de manière à ce que nous puissions nous tourner résolument vers l'avenir parce qu'il y a des potentialités énormes entre nos deux pays pour le développement économique et culturel", analyse François Hollande. Dans une lettre adressée au président Bouteflika le 5 juillet, François Hollande se déclarait favorable à l'approfondissement du partenariat entre les deux pays et à une lecture apaisée de l'histoire commune. “La France considère qu'il y a place désormais pour un regard lucide et responsable sur son passé colonial, si douloureux et en même temps, un élan confiant vers l'avenir", écrivait le président français. “Notre longue histoire commune a tissé entre la France et l'Algérie des liens d'une densité exceptionnelle. Nous devons aller ensemble au-delà pour construire ce partenariat que vous appelez de vos vœux", indiquait François Hollande en souhaitant une coopération accrue dans l'enseignement supérieur, la recherche scientifique et un renforcement des échanges économiques.“Nous aurons bientôt l'occasion de traiter ces sujets de vive voix", promettait M. Hollande. Si l'idée d'un traité d'amitié, voulu en son temps par Jacques Chirac, a été enterrée, celle d'un “partenariat stratégique" continue de faire son chemin. Premier partenaire de l'Algérie, la France entend reconquérir les parts perdues d'autant plus qu'elle affiche un déficit commercial abyssal. Au premier trimestre de l'année en cours, la France avait perdu sa position de premier fournisseur de l'Algérie au profit de la Chine. La position a été récupérée, mais elle reste toujours menacée. K. Y