“Les justiciables ne font plus confiance à la Justice, parce qu'ils savent très bien que les décisions ne sont pas objectives et que les cours d'appel censées offrir l'espoir d'une reformation du jugement ne font que confirmer les décisions des tribunaux", a-t-il indiqué. L'hôtel Mazafran de Zéralda abritera, aujourd'hui, une assemblée des conseils de l'ordre des avocats, consacrée à l'adoption des amendements du projet de loi relatif à l'organisation de la profession d'avocat. D'après Me Khaled Bourayou, cette AG est “importante" car “ce qui nous intéresse, c'est d'organiser la profession dans la durée, c'est-à-dire que l'avocat va être régi par une loi, qui prendrait en charge sa place et son rôle dans le système judiciaire, à travers le renforcement de ses prérogatives, dans le cadre des attributions de la défense", a révélé l'avocat. Dans ce cadre, Me Bourayou a plaidé pour une vision qui doit faire de la profession d'avocat “un métier répondant aux standards internationaux qui, aujourd'hui, font de l'avocat l'un des piliers du système judiciaire". Commentant ledit projet de loi, il a rappelé qu'il a été proposé par l'Exécutif. Selon lui, ce texte “répond à des préoccupations ponctuelles du pouvoir exécutif, pour dompter le droit de la défense et pour qu'il ne soit pas un obstacle au fonctionnement du système judiciaire et des impératifs du procès équitable". Les préoccupations du pouvoir, a-t-il expliqué, visent à ce que “l'avocat ne perturbe pas le procès pénal", d'où la création de “l'artifice de l'incident pour permettre au juge d'écarter l'avocat du procès, sous menace de poursuites judiciaires". Khaled Bourayou a en outre soutenu que ce projet de loi chercherait à “embrigader la représentation de la corporation des avocats par une mise sous tutelle de la chancellerie (administration centrale, ndlr)", en notant aussi que le pouvoir exécutif veut astreindre l'avocat au secret de l'enquête “pour l'empêcher de dénoncer les violations au droit de la défense et l'écarter de l'enquête préliminaire" qui est menée par la police judiciaire. “Le projet de loi ignore une importante recommandation de la commission nationale de la réforme, qui permet d'étendre le droit de la défense à l'enquête préliminaire. Or, un tel acquis permettrait à l'avocat d'assister son client au niveau de cette enquête et d'avoir un œil sur les conditions de garde-à-vue", a-t-il signalé. À la question sur la situation actuelle de la justice algérienne, notre interlocuteur a répondu que celle-ci “est très malade", en faisant référence à “une crise de légitimité de la justice". Sur ce registre, il a fait part des “gestes obscènes", proférés par des citoyens en direction des juges “dont la sévérité des décisions s'affirme de plus en plus". “Les justiciables ne font plus confiance à la justice, parce qu'ils savent très bien que les décisions ne sont pas objectives et que les cours d'appel censées offrir l'espoir d'une reformation du jugement ne font que confirmer les décisions des tribunaux", a indiqué notre interlocuteur. À propos des scandales de corruption qui font la Une des journaux, ces derniers temps, il a affirmé qu'ils sont pris en charge sur le plan judiciaire “pour condamner les petits poissons et absoudre les véritables responsables de ces scandales". “Quand la morale est absente, la justice s'en va", a-t-il résumé. Interpellé sur les dernières déclarations de Me Farouk Ksentini, dans lesquelles il demande que soit mis fin au privilège du parquet, Khaled Bourayou a assuré que cette “revendication n'est pas inédite, pour la simple raison que l'omnipotence du ministère de la Justice est le reflet de la puissance du pouvoir exécutif". Selon lui, il importe de “réhabiliter le Conseil supérieur de la magistrature", de “revoir le statut de la magistrature en consacrant la règle de l'inamovibilité du juge" et de “renforcer le droit de la défense", sans oublier de “limiter les missions de la chancellerie, dans la conception et l'élaboration des textes" et de “se départir d'une inspection générale qui n'évalue le travail judiciaire qu'à travers la norme statistique, au détriment du contrôle des dysfonctionnements de l'appareil judiciaire". H A