Quel est le profil des jeunes harragas ? Quels sont les facteurs qui les ont poussés à risquer leur vie et à “brûler" les frontières maritimes dans des embarcations de fortune ? Cherchent-ils à nous communiquer un message ? Ce sont là les questions les plus saillantes à retenir de la conférence donnée, hier, par Noureddine Khaled, enseignant-chercheur en psychologie au siège de l'Association pour l'aide, la recherche et le perfectionnement en psychologie (Sarp), à Alger. Sous l'intitulé de “Analyses des comportements à risques chez l'adolescent algérien (harraga)", l'exposé présenté par le vice-président de la Sarp se base sur une enquête qu'il a menée avec trois autres psychologues en 2010 sur des mineurs candidats au départ, une étude qui se veut complète et qui s'intéresse également à leur famille, pour la plupart des familles nombreuses, et à leurs environnements. D'après M. Khaled, “croire que la ‘harga' est un acte de désespoir est très réducteur", surtout lorsqu'il s'agit d'un phénomène complexe. Et, malgré les risques de mort que comporte ce type de phénomène de l'émigration clandestine des mineurs, il estime qu'il ne s'agit pas là d'un “mouvement destructeur", mais plutôt d'“une tentative extrême et ultime de réalisation de soi". Le chercheur rappelle que la pratique de la “harga", récente dans notre pays, est apparue au début des années 2000. Ce phénomène traduit, selon lui, “une nouvelle forme de contestation et de révolte" et représente “le symptôme criant d'un mal-être général dans une société bloquée, qui n'offre que peu de perspectives d'intégration sociale et de réalisation de soi". Noureddine Khaled va même jusqu'à considérer ces “nouvelles formes de révolte et de contestation du système établi", au même titre que les émeutes et les tentatives d'immolation. Il soutient également que la “harga", phénomène “surtout masculin", est porteuse d'un “message de transgression, de recherche de nouveaux ancrages géographiques et identitaires", apparaissant de la sorte comme “une alternative de reconstruction identitaire et de contournement des sentiments de perte et de désaffiliation". Sur un autre plan, l'enseignant-chercheur révèle que les conditions de vie (espace habitable vétuste et exigu), la misère économique et le mal-être social (chômage, insuffisance du revenu familial, manque de loisirs, manque de liberté, manque de perspective...) sont les principales causes de l'émigration illégale. Dans sa conclusion, M. Khaled insiste sur le fait que la “harga" est “une réaction extrême, non seulement au manque de perspectives en Algérie, mais aussi aux difficultés, voire à l'impossibilité d'obtenir des visas de voyage". Selon lui, les jeunes qui s'aventurent dans l'aventure d'émigration n'ont pas peur du risque de se noyer et tendent même de le minimiser, accrochés à l'espoir d'une vie meilleure de l'autre côté de la mer. H. A