De l'absence des bulletins de vote en passant par les PV signés à blanc jusqu'au vote des corps constitués, la commission que préside Seddiki a eu à traiter plusieurs cas de dépassements. La journée du jeudi, passée avec les membres de la Commission nationale indépendante de surveillance des élections locales (Cnisel, composée des formations politiques en lice et de candidats indépendants), au siège de l'APW d'Alger (ex-CPVA), a été ponctuée par des points de presse animés par le président de la Cnisel, Mohamed Seddiki, et la distribution de communiqués d'information portant essentiellement sur les dépassements signalés dans des centres et bureaux de vote d'Algérie. Vers 11h du matin, M. Seddiki révèle, au cours du premier point de presse, l'absence de bulletins de vote pour certaines listes de partis politiques, dans des wilayas du pays, à l'exemple de M'sila, Batna et Biskra. Il fait part, en outre, du “phénomène du vote collectif" des corps constitués, notamment des militaires, dans les régions de Blida, Biskra, Tamanrasset, Oran, Jijel, Laghouat, Illizi et même dans la capitale. S'appuyant sur le communiqué n°1, le président de la Cnisel énonce d'autres dépassements, constatés par les commissions communales de surveillance et des partis, insistant sur “l'absence" de représentants de la CNSEL (composée de magistrats) dans certaines wilayas, “les entraves" rencontrées par des observateurs dans des centres et bureaux de vote, “le non-respect" du tirage au sort au niveau local et “la poursuite de la campagne électorale", par des candidats en lice, le jour du scrutin. Aux environs de 15h, des membres de la Cnisel, se trouvant dans le couloir, commentent à voix basse le cas d'un certain Habibi Noui, tête de liste FLN à Annaba, qui aurait agressé des candidats des autres partis. “Il faut avertir le wali", chuchote l'un d'eux, en se dirigeant rapidement vers le bureau qui leur est réservé. Quelques minutes après, Mohamed Seddiki, que nous avons pu approcher, confirme les faits provoqués à Annaba par un “candidat qui veut faire la loi", en annonçant avoir informé le wali de ce “dépassement", lequel a promis d'intervenir. Il refuse de commenter l'information rapportée par des confrères, selon laquelle des militaires auraient été empêchés de voter collectivement à Tizi Ouzou, Béjaïa et dans certaines régions du Sud, par des citoyens ayant fermé les centres de vote. Interrogé sur la question des procès-verbaux (PV) de dépouillement, signés à blanc à Alger, Tipasa, Boumerdès et d'autres wilayas du pays, parfois avant le début de l'opération de vote (et signalés dans le communiqué n° 2 de la Cnisel), le responsable de cette structure préfère jouer la prudence, en nous invitant à attendre la fin de l'opération de vote. “De toutes les façons, nos éléments sont sur place et les PV signés à blanc ont été retirés ; de plus, nous communiquons bien avec l'administration." Une opération électorale entachée d'irrégularités Présents dans le bureau, Aïssa Belhadi et Abdelhafid Boubekeur, membres de la Cnisel et militants respectivement du Front de la bonne gouvernance (FBG) et du Mouvement populaire algérien (MPA), attestent de l'existence d'une “bonne entente" avec l'administration, non sans rappeler que leur commission travaille conformément aux prérogatives attribuées dans la loi organique 12-01 de janvier 2012. Pourtant, ils déplorent que le ministère de l'Intérieur n'ait pas accédé à leur demande relative à la diffusion de leurs communiqués en direct (et non pas en différé). M. Belhadi a en outre fait part de ses doutes concernant le vote collectif des militaires et l'usage de la procuration “sans signature du concerné", ainsi que sur l'absence des bulletins de vote dans certains centres et bureaux de vote, sans exclure l'idée de la fraude à ce niveau. Il a aussi parlé des “difficultés" auxquelles fait face la Cnisel pour assurer la transparence et la régularité du scrutin. Un avis apparemment partagé par les autres membres de la Cnisel, y compris par le très flegmatique Abdelkader Malki, militant du Rassemblement national démocratique (RND). Plus direct dans ses propos, Ikhlef Bouaïche, autre membre de la Cnisel, représentant du Front des forces socialistes (FFS), estime, pour sa part, que “l'administration reste une machine de fabrication des élus". “Nous avons reçu beaucoup d'appels de différentes wilayas, nous informant de l'implication de cadres de l'administration, dont les chefs de daïra, dans des dépassements multiples", nous confie-t-il. Outre l'absence des bulletins de vote pour les listes de certains partis, M. Bouaïche rapporte le cas de l'agression, dans un centre de Rouiba, du surveillant FFS, celui des PV signés à blanc à Alger et celui des “procurations illégales", à l'école de Boucharba, à Béjaïa, à Debdaba, commune d'Illizi, et à Haïzer, commune de Bouira, lors du vote collectif des éléments de l'armée. “Il me semble que cette fois-ci, la fraude est plus féroce avec ce double scrutin, car chaque wilaya a plusieurs listes électorales, contrairement aux législatives où elle avait une seule liste", précise-t-il. Vers 16h, le président de la commission de wilaya d'Alger (Cnisel) arrive livide. Il révèle aux journalistes qu'un groupe de citoyens a attaqué physiquement des membres de sa structure, à Chéraga. Aux environs de 18h, M. Seddiki anime un nouveau point de presse. Cette fois, il met l'administration devant ses responsabilités et avise les médias sur les “dépassements importants" et les “violations" du fonctionnement de l'opération électorale : violences dans les centres et bureaux de vote, inscription de personnes inconnues dans les listes électorales dans des centres de vote, à Blida et Béjaïa, occupation, démonstration de force par des groupes de jeunes et affrontements dans plusieurs wilayas, humiliation des membres des commissions communales, etc. “Beaucoup de dépassements nous ont été signalés, mais nous sommes contraints de rapporter ceux ayant fait l'objet d'un écrit", nous explique-t-il en aparté. Le président de la Cnisel nous informe également que sa commission continuera à travailler jusqu'au 30 décembre prochain : recevoir les plaignants potentiels, recueillir les doléances de ses membres répartis à travers tout le territoire, des partis politiques et des indépendants, en savoir plus sur les réponses données aux recours déposés... Une fois le délai épuisé, la Cnisel remettra son rapport au ministre de l'Intérieur et au président de la République, avant de le rendre public. H A