Austérité, modération, retenue... à qui veut-on faire peur ? Chaque année, à l'achèvement de la loi de finances, c'est la même rengaine. “Dès le mois de janvier prochain, il va falloir serrer la ceinture !" Mais, qui, de l'Etat, des dirigeants, ou des citoyens, devra serrer sa ceinture ? L'Etat porte certes le pantalon, mais il n'a pas de ceinture. Il n'en a jamais eu. Et puis, donner l'image d'un Etat austère, ce n'est pas bien vu. C'est pourquoi, il continuera toujours à faire dans le futile. D'ailleurs, à notre connaissance, le méga projet de la Grande mosquée, par exemple, n'est pas près de s'arrêter. Tout comme l'extension des résidences d'Etat qui poursuit inlassablement son petit bonhomme de chemin, jusqu'à se raccorder à la paisible commune de Aïn-Benian... ne souffre d'aucune déficience d'approvisionnement. Tout cela n'est pas dans la loi de finances 2013, pourtant frappée du sceau de l'austérité. Quant aux dirigeants, eux, ils n'ont jamais eu besoin de ceinture. Leur pantalon, il tient tout seul. Loi de finances ou pas, l'austérité, ce n'est pas pour eux. Tout ce qui rentre fait ventre. Et puis, une loi, ça s'adapte, ça se contourne, ça se complémente... Une LFC, c'est pourquoi faire sinon ? Il reste le simple citoyen pour qui tout devra s'appliquer à la lettre. D'ailleurs, l'austérité, cela fait partie de son quotidien. Seulement, il ne faut plus lui demander de serrer la ceinture, car il ne peut pas. Il n'y a plus de place pour faire un seul trou de plus dans sa ceinture. Il s'étouffe le pauvre ! Tous les chemins mènent au Pérou ! À bien y voir, la loi de finances est en principe élaborée pour donner libre cours aux porteurs de projets économiques. Offrir toujours plus de facilitations. Encourager les investissements dans les zones traditionnellement boudées par les operateurs. Tracer une politique financière en matière d'équipements et de fonctionnement sur l'année, les orientations fiscales... mais, dans tout cela, le grand oublié, en amont, c'est le citoyen. Celui à qui on demande, en aval, de serrer davantage la ceinture, alors qu'elle a déjà fait le tour de sa maigre taille. Le temps des vaches maigres ! Sourd à une telle réalité sociale, l'Etat planifie une réduction des dépenses publiques pour faire dans l'austérité. En ces temps de vaches maigres, la pondération est à la mode partout dans le monde. Ainsi, pour aller vite en besogne, l'Etat prend des raccourcis. Aussi, par dépenses publiques, il entend : public. Il adopte alors le système des vases communicants. Déposséder les collectivités locales et les instances élues de leurs ressources pour la prise en charge des affaires de la cité. Revoir le niveau de vie des citoyens à la baisse en augmentant les prix des produits de première nécessité, à l'exception du sucre et de l'huile. Deux produits, c'est quand même peu pour se remplir la panse. Puis, toujours aussi sourd qu'une carpette, l'Etat continue à piocher dans les poches des travailleurs salariés à travers un IRG, souvent supérieur à celui d'un commerçant. Par ailleurs, il se soucie de maintenir, voire d'augmenter les régimes indemnitaires des élus et autres hauts fonctionnaires prospères. On payera plus cher les primes annuelles accordées aux partis pour chaque député. En plus des 400 000 dinars, il faudra compter 10 millions de centimes, additionnels pour les élues femmes. C'est aussi valable tant pour l'APN que pour le Sénat. Cette mesure a été instaurée pour, semble-t-il, encourager les partis politiques à privilégier la présence des femmes sur les listes électorales. Geste d'austérité ? Une telle mesure, loin de s'apparenter à une attitude économique ou sociale, ne fait que renforcer le sentiment que ce seront toujours les mêmes qui ouvriront droit à la carotte alors qu'on brandira le bâton aux autres... Le crédit à la consommation Quel crédit accorder à cette mesure dont tous les tenants et les aboutissants n'ont pas encore été révélés. Jusque-là, rien de sûr et personne ne peut encore annoncer la moindre date. On a même remarqué comme une certaine frilosité du côté du ministère des Finances sur la question du retour au crédit à la consommation, abandonné depuis la loi de finances 2009. Abdelkrim Djoudi, semble vouloir d'abord, se donner les moyens de sa politique. En collaboration avec la Banque d'Algérie, il prévoit la création d'un système global informatisé, une sorte de fichier national chargé d'emmagasiner les données des clients demandeurs de crédits à la consommation et des banques agissant sur le territoire national. Cette opération serait indispensable pour prévenir les cas de surendettement des familles algériennes, tentées par des achats démesurés, sous cette formule de facilitation. Ce dispositif technique est également censé protéger les établissements bancaires des grands risques qu'ils encourent à travers l'octroi massif de crédits destinés à la consommation, parfois fort coûteux. Mais, le patron de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi-Saïd semble bien décidé à mettre les bouchées doubles, pour faire aboutir cette formule, au plus vite. “On se bat depuis des années sur cette formule pour booster la production nationale, privée et publique, relayée par les organisations patronales. Des formules seront proposées aux pouvoirs publics afin de relancer la consommation et la production des produits locaux à travers l'octroi de crédits aux ménages !" Sidi-Saïd a affirmé dernièrement que les dépenses liées aux importations d'équipements électroménagers a dépassé un milliard de dollars en 2010, en plus de deux autres milliards pour les produits alimentaires importés de l'étranger. Une “grosse" facture qui aurait pu servir à relancer la production nationale, à mieux protéger l'emploi et à gagner quelques indices de croissance, a-t-il soutenu. La loi de finances cuvée 2103 c'est pour demain, mais, elle est encore loin d'avoir tout révélé ! [email protected] R. L.