Résumé : Des jours durant, ma boîte email déborda de messages. Des femmes, des hommes. Mes lecteurs avaient, bien entendu, des divergences d'idées. Les un étaient révoltés, les autres scandalisés. Mais Youcef me faisait toujours la tête. Un matin, la nurse m'appelle. Mehdi était malade. Je lâche tout pour courir à son secours. Une infirmière m'arrête à l'entrée de la pédiatrie : - Madame, madame, vous ne pouvez pas accéder à ce service. Les médecins sont sortis pour le déjeuner. Adressez-vous au service des urgences. Je sentis mon sang bouillir dans mes veines : - Urgences, vous parlez d'urgence ? Qu'appelez-vous donc les urgences, hein? Ce service où on doit patienter des heures entières avant d'être reçu par le premier interne de service. C'est ça vos urgences ? Et puis, comme dans tous les autres services, là-aussi les médecins ont dû sortir pour déjeuner. Une main se pose sur mon épaule et je me retourne vivement. Un jeune homme en blouse blanche me dit d'une voix calme : - Ce n'est pas tous les médecins qui sortent pour le déjeuner. Nous sommes censés travailler par équipe. Je suis bien là moi. - Ah ! Vous êtes médecin ? - Oui. Je lui tendis alors mon bébé les larmes aux yeux : - Je, je suis désolée mais... Il me prend Mehdi des bras et se dirige vers son cabinet. Je le suis. L'infirmière hausse les épaules et se dirige vers un autre service. Je fais signe à ma nurse de m'attendre dans le couloir. Le médecin dépose Mehdi sur la table de consultation et se met à l'examiner minutieusement. Au contact du stéthoscope, mon fils se réveille et se met à crier. - Là, là, là, on ne s'agite pas petit bonhomme. Le médecin parlait d'une voix douce, et ses gestes étaient lents et précis. Il examina les yeux, la gorge, les oreilles etc. - Quel âge a-t-il ? - Bientôt sept mois. Mehdi reconnut ma voix et se remit à pleurer. Je m'approche, et le jeune médecin me lance : - Il doit avoir faim. C'est bon signe. Heu, vous pouvez lui donner le sein. - Je ne lui donne pas le sein, il prend un biberon toutes les deux heures environ. - Vous n'êtes pas de ces femmes qui n'aiment pas allaiter leurs enfants, pour ne pas abimer leur poitrine! - Non, pas du tout. Il y a que... j'ai accouché par césarienne et... - Ah ! je comprends. Ne vous en faites pas trop pour le petit. Je vais vous prescrire quelques médicaments. Votre enfant fait ses dents. La fièvre et tous les symptômes dont il souffre est un passage obligatoire. Rentrez chez-vous et préparez-lui un bon biberon. À partir d'aujourd'hui, vous surveillerez régulièrement sa température. En principe dès qu'il commencera à prendre son traitement, tout rentrera dans l'ordre. - Vous me rassurez docteur, mais êtes-vous certain que mon fils ne souffre pas de quelque chose de plus grave ? Le médecin dépose son stéthoscope sur son bureau et me sourit : - Hormis la poussée dentaire, votre fils se porte comme un charme. Son état général est satisfaisant. Il a un bon poids. En plus, il semble gourmand. - Heu, oui, mon fils prend son lait et ses repas à des heures régulières. - Alors, madame, ne changez rien à son programme quotidien. Votre enfant est assez robuste pour dépasser “la crise dentaire" sans aucune inquiétude. Je soupire d'aise. Le jeune médecin me sourit : - Rentrez chez-vous et tentez de vous détendre. Vous êtes passée par une rude épreuve. Hélas ! ce n'est pas terminé. Un enfant est tellement fragile... et toutes les mamans perdent les pédales devant le moindre petit bobo de leur bébé. Je remercie le jeune pédiatre avant de quitter les lieux. La nurse m'attendait. Je lui tendis Mehdi et nous rentrons. Je trouvais Youcef à la maison. Il semblait bien inquiet. Comment avait-il su ? J'avais à peine franchi la porte d'entrée qu'il se mit à vociférer : - Ah ! Te voila enfin ! Pourquoi ne voulais-tu pas répondre ? Je t'ai appelée mille et une fois sur ton portable. J'ai cru devenir fou d'inquiétude. Mon portable? En fait je l'avais laissé au bureau. Comment savait-il pour Mehdi ? - J'ai laissé mon portable au bureau. - Très bien, tu n'as même pas pensé à m'appeler et... - Comment as-tu su ? Il se prend la tête entre les mains : - Je ne sais pas ce que tu as à l'intérieur de ton crâne, mais pardi tout le monde t'a vue traverser la rédaction en coup de vent, avant de dévaler les escaliers comme une folle. Quelqu'un est venu me dire que tu avais démarré comme une forcenée. J'ai tenté de te joindre sur ton portable, puis sur le fixe. Comme personne ne répondait, j'ai compris que c'était Mehdi. (À suivre) Y. H