Après la décision de justice d'invalider le VIIIe congrès du FLN, des ex-ministres, des députés et de simples militants ont exprimé leur colère par des slogans hostiles au clan présidentiel. La police, qui a bouclé tous les accès menant au boulevard Zighoud-Youcef, a chargé les manifestants. La police a violemment réprimée hier le FLN à Alger. C'est à l'occasion du rassemblement organisé, hier, à l'initiative du groupe parlementaire de ce parti devant l'Assemblée populaire nationale (APN). C'est en bloquant le matin, vers 8h 30, toutes les issues menant à l'Assemblée nationale par des cordons de policiers anti-émeutes à plus de 300 mètres à la ronde sur le boulevard Zighoud-Youcef où comptaient se rendre les manifestants que les hostilités ont commencé. C'est que les militants du FLN après la décision d'invalider le 8e congrès de leur parti étaient rentrés dans une colère telle qu'ils ont fermement décidé d'en découdre avec le pouvoir de Bouteflika. C'est précisément en forçant le barrage policier du côté de la rue de Tanger pour rejoindre l'APN, après avoir marché quelques mètres, que les manifestants ont été bastonnés et traînés à terre. On pouvait reconnaître parmi eux, Abass Mekhalif, le président du groupe parlementaire du FLN qui est tombé à même le sol pour s'en sortir avec deux entorses de poignet. Le député Khelifa Smati, Abdelkader Zidouk, le vice-président de l'APN, Abderrezak Dahdouh, le chef de cabinet d'Ali Benflis et Azzouz Nasri, député et ex-président de la Cour suprême ont également étaient refoulés à la matraque par les policiers. Au même moment, plusieurs manifestants scandant à tue-tête “Bouteflika barra”, “Benflis Président” ont été embarqués dans un fourgon de police. Il s'agit entre autres de Bélaïd Abdelaziz, secrétaire général de l'UNJA, de Tarek Seghir et Chems Eddine de l'Unea et Aziz Djohri, membre du comité central. Plus loin, un policier, en voulant arracher une banderole sur laquelle on pouvait lire “Bouteflika out”, brandie par la députée Baya Kara de Sidi Bel Abbès qui ne voulait pas la lâcher, a traîné cette dernière par terre. Abdelmadjid Attar, l'ex-ministre des Ressources en eau, n'a pas non plus échappé à la répression policière. En tentant en effet de forcer le barrage des policiers antiémeutes, dressé du côté de l'APN, Attar s'est vu refoulé violemment par ces derniers qui le blessèrent à la main gauche. Mais les lésions les plus graves ont atteint le député de Constantine Mohamed Chalabi. Ce dernier, en recevant un coup de matraque à la tête, est tombé à même le sol. Dans le mouvement de panique créé par cette répression, le député qui a aussitôt perdu connaissance, a été transporté d'urgence au service de réanimation à l'hôpital Mustapha où les médecins ont diagnostiqué chez lui un infarctus du myocarde. Des députés et des ex-ministres nous ont déclaré, en outre, avoir été insultés par des policiers. Vers 9h, les manifestants ont pris place en foule compacte devant le siège de l'APN. Ils étaient quelque 500. On pouvait reconnaître parmi eux les ex-ministres (Zinedine Youbi, Abdelkader Sallat, Abdelkader Allalou, Abdelhamid Abad, Bouchemla…), des personnalités telles que Leïla Aslaoui, Abdelhak Bererhi, Mahmoud Zaïm, le président de l'APW d'Alger, des membres du BP et des députés (FLN et MRN). Tous scandaient des slogans revendiquant le départ de Bouteflika : “Bouteflika, barra”, “Bouteflika, Boutefrika”, “Ulac Smah Ulach”, “Zerhouni, Pinochet, Zerhouni assassin”. Selon Zinedine Youbi “la situation que nous vivons aujourd'hui est similaire à celle de 1992, l'histoire se répète en 2004”. “Ali Benflis, selon lui, n'est pas un chef de parti mais le leader d'un mouvement de citoyenneté qui veut libérer le pays de la dictature”. “On continuera le combat, précisera Youbi, jusqu'à ce que Bouteflika parte”. Cette dernière phrase a été répétée et entonnée un nombre de fois incalculable, hier, lors de la manifestation. Ce faisant, de part et d'autre de l'APN, des centaines de manifestants, qui n'ont pas pu accéder à l'assemblée à cause des barrières dressées, entonnaient des slogans hostiles au Président : “Bouteflika dictateur”, “Bouteflika traître”, “Benflis Président”, “Algérie libre et démocratique”. Ce face-à-face policiers-manifestants a duré jusqu'à 13 h. N. M. Saïd Sadi : “le jeu institutionnel est bloqué” Dans un communiqué envoyé hier au FLN, le patron du RCD, le docteur Saïd Sadi, a exprimé sa “pleine et entière solidarité avec le FLN et sa direction légitime face au complot dont il fait l'objet”. Saïd Sadi exprime dans le même temps, ajoute le communiqué, sa “profonde inquiétude face aux dérives totalitaristes et aux violations flagrantes de la loi qui visent à vider la vie démocratique et le pluralisme politique de notre pays de toute substance”. Joint hier par téléphone, le Dr Saïd Sadi a confirmé avoir adressé le message de soutien au parti de Ali Benflis ajoutant que “nous sommes en face d'un cas d'abus d'autorité des plus préoccupants”. “Il y a manifestement une impasse institutionnelle”, dira Sadi. “Sinon, souligne-t-il, comment expliquer qu'un parti politique majoritaire à l'Assemblée nationale ait été contraint de recourir à la rue pour se faire entendre et qui plus est contraint à faire face aux forces de police”. “Le jeu institutionnel est plus que jamais bloqué”, conclut le leader du RCD. N. M.