Si le pire a été évité hier, le risque est grand de voir les choses dégénérer depuis que le FLN a décidé de se défendre en reprenant l'initiative. Yazid Zerhouni semble avoir mal calculé son coup hier. Son «opération coup-de-poing» qui visait à tuer dans l'oeuf la protesta entamée par des centaines de cadres, députés et militants du FLN. La répression, entamée tôt le matin, a eu l'effet inverse puisque les députés, bloqués devant l'APN, ont redoublé d'ardeur et de détermination dans leur mouvement de protestation. Quelques centaines de mètres plus loin, du côté de l'hôtel Essafir, de la Grande Poste et du boulevard Amirouche, les convois menés par l'Unea et l'Unja, voulant faire jonction avec les parlementaires en colère, étaient bloqués avec peine par des forces de l'ordre revenues à de «meilleurs sentiments» une fois annoncé le fait qu'un député avait été très grièvement blessé. Toute la capitale et ses abords étaient bouclés, interdits aussi bien aux automobiles qu'aux piétons. Un climat de suspicion, jamais vécu depuis les événements d'octobre et la grève insurrectionnelle, était perceptible dans ces artères anormalement «désertes» par cette journée «ensoleillée» de dimanche. Le FLN, qui a longtemps subi, ne faisant rien d'autre que réagir aux coups de boutoir successifs qu'il recevait, a décidé d'organiser une riposte appelée à aller crescendo, selon Abbas Mikhalif, blessé aux bras, mais d'un dynamisme débordant. Il est prévu que des sit-in pacifiques soient organisés aux niveaux des 56 mouhafadhas que compte le parti à travers le territoire national. La riposte, également politique, a été d'une puissance fulgurante puisque des partis comme le PT, le mouvement El-Islah et même le groupe des indépendants ont spontanément rejoint la «manifestation» par principe. Tous ont estimé que l'ingérence dans les affaires internes d'un parti remettait en cause la démocratie, mais aussi portait atteinte à la stabilité institutionnelle de l'Algérie. L'heure est grave. Le groupe parlementaire du FLN, qui semble avoir mûrement préparé cette spectaculaire riposte, retransmise en direct par les plus grandes chaînes du monde et couverte par des centaines de médias, a donné lecture d'un document ne laissant guère de place au doute quant à la stratégie future que compte adopter ce parti depuis que la justice a décidé d'invalider son 8e congrès. «Nous avons fermement décidé, a lu Mikhalif, président de ce groupe, nous membres du groupe parlementaire du parti du FLN, de briser le mur du silence et de compter au nombre des et des hommes libres qui portent haut et fort leurs voix devant le peuple algérien, en demandant la démission immédiate de ce président qui a fait de la fitna, de la division et de la fracture un programme pour ébranler les fondements de l'Etat et menacer l'unité nationale». C'est à grande peine que les esprits ont pu se calmer aux environs de midi. Le FLN, plus déterminé que jamais, a exigé la reprise de la séance plénière afin que le vote de la loi organique portant régime électoral puisse avoir lieu. Mais devant le climat électrique, pouvant carrément dégénérer vers des affrontements au sein même de l'hémicycle, un report pour le lendemain matin (aujourd'hui) a été ordonné, ce qui a permis au FLN de manifester une nouvelle fois au sein même du palais Zighoud-Youcef sous le portrait souriant de Belkhadem, accroché dans le hall avec tous ceux qui ont eu à présider aux destinées de l'APN. Fait historique, s'il en est, c'est à partir de cet édifice imposant qu'a été scandé le slogan suivant «Bouteflika barra» (dehors). Ces incidents viennent montrer que la crise politique au sommet de l'Etat a atteint des proportions hallucinantes qui n'augurent rien de bon. Des députés, qui annoncent des événements qui iront crescendo, se donnent comme délai ce mois de janvier pour avoir gain de cause. A voir la manière virulente avec laquelle est en train de s'organiser cette riposte, les observateurs, comme nous le confirment des sources parlementaires, n'excluent pas une motion de censure à l'endroit du gouvernement, ce qui ouvrirait la voie à d'autres dérapages, puisqu'à ce moment le président n'aurait pas d'autre choix que de dissoudre l'APN, quitte à reporter la présidentielle et à renouer avec une nouvelle transition que tout Algérien vivra sur un baril de poudre. La crise politique, qui connaît de nouveaux et graves rebondissements, plonge l'Algérie dans un insondable gouffre de l'inconnu.