Une percée est peut-être enfin en vue dans la crise syrienne. : le dernier jocker dans la crise syrienne reprend du service alors que sa mission avait pratiquement échoué. Lakhdar Brahimi se rend à Damas, porteur cette fois, dit-on, d'un ultimatum à Bachar el-Assad considérablement affaibli par la position russe qui a fléchi ces dernières semaines. À l'issue de deux sessions de négociations directes à Dublin et Genève, Washington et Moscou ont décidé de dépêcher Lakhdar Brahimi, le médiateur international de l'ONU et de la Ligue arabe, auprès de Bachar el-Assad dans ce qui pourrait s'apparenter à la remise d'un ultimatum pour que le président syrien quitte le pouvoir dans “la dignité", selon des indiscrétions de l'équipe de l'émissaire onusien. Jeudi, à l'antenne de la BBC en arabe, Robert Ford, l'ancien ambassadeur américain en Syrie, avait annoncé cette initiative, soulignant que “les Russes ont commencé à bouger sous la pression des rebelles sur le terrain". Selon Ford, responsable de la Task Force Syrie au Département d'Etat, “les Russes se rendent compte que bientôt Bachar el-Assad sera isolé à Damas, et qu'il aura perdu son aéroport par où lui parviennent ses armes". Un peu plus tard, Mikhaël Bogdanov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, confirmait l'annonce du responsable américain en affirmant : “Nous devons regarder la réalité en face, le régime et le gouvernement syrien perdent de plus en plus de terrain"! C'est la première fois en vingt mois de crise que Moscou, le plus grand allié de Damas avec l'Iran et la Chine, dresse un tel constat. Les commentateurs se sont empressés de conclure que la Russie, n'excluant plus une victoire de la rébellion syrienne, s'apprête à lâcher Bachar al-Assad. Ce dernier est certes poussé dans ses retranchements mais Moscou, qui a tout de même plus d'une corde à son arc, pourrait plutôt faire monter les enchères avant une négociation avec les Etats-Unis sur l'avenir de la Syrie. D'ailleurs, les négociations entre les deux pays semblent assez bien engagées, après deux rencontres: l'une au niveau des ministres des Affaires étrangères, Hillary Clinton et Sergueï Lavrov, il y a dix jours à Dublin, et un second round au niveau des vice-ministres, entre Bogdanov et William Burns, la semaine dernière à Genève. Chaque fois, Lakhdar Brahimi était présent. Genève a marqué une percée, souligne-t-on dans l'entourage de Brahimi. En effet, les Russes ont renoncé à leur exigence que Bachar el-Assad puisse jouer un rôle dans une phase de transition politique. “Pour Moscou, Bachar peut rester président, mais sans compétence, et il ne pourrait pas se présenter à l'élection présidentielle de 2014, contrairement à ce que les Russes souhaitaient à Dublin", selon toujours l'équipe de Brahimi. À Genève, Américains et Russes auraient même échangé des noms de responsables, qui pourraient figurer dans un gouvernement de transition. Cette dernière structure est une “des idées" défendues par Lakhdar Brahimi pour éviter que la Syrie ne s'enfonce encore plus dans la guerre civile. Plusieurs pays auraient également été évoqués pour fournir une terre d'asile à Bachar el-Assad : la Biélorussie ou d'autres en Amérique latine. C'est donc a priori fort d'un début de convergence des positions américano-russes que Lakhdar Brahimi se rendra cette semaine prochaine à Damas porteur du message à Assad selon lequel “c'est votre dernière chance de quitter le pouvoir dans la dignité". Côté américain, on se félicite de l'évolution de Moscou. Ford est persuadé que cette fois-ci les Russes vont exercer suffisamment de pressions pour que Bachar quitte le pouvoir. Paroles d'un vieux briscard du Moyen-Orient. D. B