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Et pourquoi des artistes en temps de culture ?
Publié dans Liberté le 15 - 12 - 2012

Diktacratie.com est un site né de l'impossibilité d'éditer un livre qui “enquête sur les régimes hybrides dans lesquels nous vivons, combinant un semblant de démocratie et une vraie soumission aux diktats économiques et idéologiques d'une oligarchie"...
Présenté comme tel, on pourrait penser qu'il s'agit d'un énième site d'anarchistes qui aiment s'écouter parler dans des textes impossibles à scroller sans finir par une tendinite au pouce. Mais la proposition de Diktacratie.com s'avère bien plus concrète et intelligente qu'une simple révolte virtuelle et inféconde. La proposition se veut réelle et s'articule en réforme qui “viendra de vous, de nous. Mais pas spontanément comme l'idéalisaient certains anarchistes ! Elle sera avant tout le fruit de réflexions et de débats permanents avec tous afin de réagir le plus efficacement contre cette diktacratie".
Le site vient de publier un texte datant de 1997, intitulé “Et pourquoi des artistes en temps de culture ?" du très controversé écrivain français, mort en 2006, Philipe Murey. Dans ce texte l'auteur analysait l'instrumentalisation de l'art au nom de la culture en fête, culture de festival.
En ces temps de multiplication de festivals nationaux en tout genre (avec même des festivals de l'engagement... organisés par l'administration étatique) au détriment de l'ouverture des espaces publics pour une création indépendante et une diffusion libre, ce texte, écrit il y a 15 ans, sonne juste ; déconcertant, il laisse peu de chance à l'espoir sans une prise de conscience effective de tous. Dans ce qui suit, nous partageons ce texte (d'autres traitant différents domaines et réflexions sont consultables sur le site) :
“Admettons une minute que la prophétie de Nietzsche, dans “Aurore", ait fini par se réaliser : “L'art des artistes doit un jour disparaître, entièrement absorbé dans le besoin de fête des hommes : l'artiste retiré à l'écart et exposant ses œuvres aura disparu." Imaginons que c'est un fait. Nous y sommes, ça y est, dans ce temps d'extrême détresse de la liesse extrême. Le “besoin de fête des hommes" a bu, a gobé, avalé “l'art des artistes". Bien sûr, ce “besoin de fête" lui-même n'a plus le moindre rapport avec les fêtes du passé. Lorsque toute la réalité se retrouve carnavalisée, lorsque c'est toute la vie qui est clownée, institutionnellement festivalisée, il n'y a plus de fêtes partielles, distinctes, isolées, il ne reste qu'un immense applaudissement redondant, une nouba perpétuelle, un mardi gras quotidien noyant dans la joie précuite de son approbation globale les négativités qui venaient danser aux bals de jadis.
Quant l'art est à la fête
ça s'appelle la culture
Le monde artistique n'était intéressant que dans un décor qui ne l'était pas. N'importe quel tableau, alors, vous donnera le grand frisson de l'altérité en soi. L'univers en liesse a changé tout ça. Son despotisme nous mène à la baguette magique. C'est la fête de Fous intégrale autant qu'organisée. Homo festivus ne sait plus où donner du serpentin et de la guirlande. Les médias lui serrent forcément la vis comica. On ne veut plus entendre qu'un seul oui enchanté. Et le reste à la trappe. A la trappe festive, le génie diviseur, séparateur et désagrégateur des arts ! Au bercail collectiviste ! Dans la kermesse planétaire du narcissisme de masse, Van Gogh ou Matisse, métamorphosés en éloges sympathiques de l'espèce par elle-même ! Tous dans le grand bain multicolore du consentir liquéfiant.
A coups de festivals, l'énergie critique des siècles est ramenée à de meilleurs sentiments
“Des artistes en plus, de nos jours, on en a mis partout, par précaution, tellement qu'on s'ennuie", s'étonnait Céline dans son Voyage. “On décore à présent aussi bien les chiottes que les abattoirs et le Mont-de-Piété aussi." C'était encore une nouveauté. Les bons apôtres de la culture, ces anges gardiens gaffeurs, ces bergers idéaux, n'avaient pas encore fini de remettre dans la bonne ornière de la bien-pensance le troupeau dispersé (qui ne trouvait son énergie que dans sa dispersion). La besogne est achevée. Mission accomplie. Toute la vitalité négative des arts s'abîme dans l'océan joyeux de la positivité subventionnée. La fin de l'art elle-même est bafouée. Duchamp, Malevitch sont récupérés comme artistes par les gardiens du temple culturel. A coups redoublés de festivals, musées, écomusées, commémorations, cités de la musique, du timbre poste ou des enluminures, l'énergie critique des siècles est ramenée à des meilleurs sentiments, retapée en conte de fées, puis transportée de l'autre côté du miroir, là où s'élèvent les tourelles et les mâchicoulis de notre palais terminal : le château de la culture au bois dormant.
L'artistisation de la société entraîne la destitution de l'art
Quand le monde s'artistise, c'est l'art qui perd “son autre", son ombre, son contraire ; pas seulement ses ennemis, mais le monde lui-même, le monde étranger, tout ce qui n'était pas lui. L'artistisation de la société entraîne la destitution de l'art par effacement de toute distinction entre art et non-art. L'art n'a plus de sexe opposé. Il n'y a plus rien qui ne soit artistique ou artistisable, et toutes les ripostes inventées par les artistes pour traiter ce désastre (se le réapproprier, l'ironiser, le détourner) sont vouées à l'échec, ne serait-ce que parce que la culture, maternellement, accueillera toujours ces ripostes en son sein. Elle se les ajoutera. Elle s'en grossira. Et le monde deviendra toujours plus artistique.
La culture n'a pas le même projet que les artistes, mais ils ne le savent pas. La culture n'est qu'une des voix par lesquelles parle l'espèce ; et l'espèce ne veut qu'une chose : perdurer au détriment des individus. Ce que les artistes de jadis savaient. Ce que les prétendus “artistes contemporains" ignorent. Preuve qu'il ne s'agit pas d'artistes.
Besoin de fêtes des hommes, escamotage de l'art
On joue encore sur les mots quand on fait encore de la culture l'éminente expression de la dignité humaine, un facteur essentiel de la liberté, et puis quoi encore ? Il faut en finir avec ce chantage. Ce n'est plus du tout de ça qu'il s'agit. Dans ce domaine aussi, comme pour les autres marchandises, le nom survie à la transformation du contenu. La culture, de nos jours, est l'un des agents les plus efficaces du bien radical, cet horizon de notre fin de siècle vers lequel pérégrinent avec ferveur tant de libidos inoccupés. C'est le brouillard lyrique à l'intérieur duquel tout art particulier devient irréparable, sauf comme élément parmi d'autres de l'établissement de la bienfaisance planétaire. Il existe la même différence entre la culture et l'art qu'entre la procréation et le sexe, entre l'instinct de survie anonyme de la collectivité humaine et cette négation rayonnante de toute collectivité que représente un acte érotique isolé en coulisses. Qu'on ne s'étonne donc pas si l'art a pu, de nos jours, aux applaudissements de tous, devenir une des régions de la pédagogie : c'était vraiment que la famille, la collectivité, l'anonyme positivité, l'avaient récupéré sous forme de sépulture. L'école n'enseigne jamais que ce qui est bon pour l'espèce parce que toute vie s'en est retirée. Education sexuelle hier, éducation artistique aujourd'hui : même domination de la volonté de persistance de l'humanité en général sur les individus périssables. Même triomphe de la Totalité sur les cas particuliers. Triomphe en musique, bien sûr. En poésie. En lyrisme. Avec l'aide de l'art. Et pour le bien de l'art. Pour sa disparition dans le bien commun. Besoin de fêtes des hommes, escamotage de l'art : les deux choses sont liées comme la cause et l'effet. “Je n'ai pas eu le temps, cette fois, de parler de la littérature, mais qu'importe, je viens d'en faire. Un dernier mot seulement. Toutes les fêtes tournent mal, c'est pour ça qu'elles sont drôles. Comme la littérature qui s'ouvre pour les noyer."
Y. H.


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