On le savait déjà par ouï-dire et par de nombreuses déclarations faites par des artistes rencontrés lors de manifestations se déroulant à Alger. Mais cette fois un post sur Facebook d'une association théâtrale de Aïn Defla l'écrit en gros caractères rouges : «Question : Est-ce que former des artistes des villes intérieures du pays peut être considéré en Algérie comme un déni de leur droit à partir du moment où ils sont loin des manifestations culturelles et de l'acte culturel véritable. Car, Alger, la capitale, est devenue le point de convergence pour tout artiste cherchant la renommée et une place sous les feux de la rampe. Et celui qui restera dans sa ville, sera peu à peu et inexorablement enseveli par l'oubli, sans qu'il puisse rien y faire ou y changer ?»La forme interrogative n'est là que pour susciter le débat. On aura remarqué que la question porte en elle la réponse. Réponse qui est donnée à chaque fois que la question est posée à un artiste venant d'une autre ville ou région qu'Alger. A Maghnia, un collectif d'artistes-peintres passe le plus clair de son temps à batailler contre la passivité et le désintérêt de l'administration et de la société pour la chose artistique. Le collectif a fini par réussir à récupérer l'église désaffectée qui sera transformée en centre artistique, mais sans plus. La même action à Alger aurait valu aux artistes, pour le moins, une couverture médiatique. Mostaganem est une véritable marmite culturelle qui rassemble tous les ingrédients, de la musique au théâtre, en passant par la peinture et les arts populaires. Pourtant, on n'en entend parler qu'à l'occasion d'un festival institutionnel ou d'émeutes. Les artistes travaillant à Oran sont peut être un tantinet mieux lotis, mais leur situation n'est pas pour autant enviable. L'administration locale joue pleinement son rôle d'éteignoir. En dehors des institutions publiques, n'émergent et n'émargent que les artistes et les associations qui caressent dans le sens du poil et acceptent de se faire les chantres de la politique culturelle et de la culture institutionnelle. Souk Ahras, Tamanrasset, Constantine, Batna, et toutes les villes d'Algérie sont logées à la même enseigne. Pis, sortis d'Alger-centre, à quelques kilomètres seulement, on n'est plus à Alger. Si un artiste a par malheur la malchance d'habiter dans un de ces villages - qui par une urbanisation accélérée et anarchique sont devenus des villes moyennes - alentour de la capitale, il ne peut y travailler et exercer son art. Il doit rallier Alger s'il veut exister sur la scène culturelle. Pourtant, ces «villes-villages» sont censées être autonomes et avoir une vie aussi bien économique que culturelle. Encore un échec de l'Administration, tant centrale que locale. Et ça se passe aux portes de la capitale. Que dire alors du petit village perdu entre deux vallons au fond d'une wilaya ou d'une petite ville au bord d'une route déclassée par l'autoroute Est-Ouest ?Evidemment, la solution à cette déculturation généralisée existe, en dehors de ces gesticulations institutionnelles, conjoncturelles que sont les festivals et les semaines culturelles budgétivores qui ne font qu'agrémenter richement une vitrine cachant un véritable désert culturel. Pour que la culture et les arts existent dans une région donnée, il faut qu'il y ait une volonté, d'abord chez les artistes, ensuite chez les politiques. Aux artistes de faire montre d'engagement et de combativité pour investir, par tous les moyens, pacifiques et légitimes évidemment - ce qui ne veut pas dire forcément légal -, tout espace qui serait susceptible de porter leur art. A l'Administration de faire les efforts nécessaires pour se sortir de cette attitude de «tutellerisation» étouffante et liberticide, tout en mettant en place les mécanismes de financement et de promotion de l'activité et l'acte culturels. La culture et les arts ont besoin d'être libres, mais aussi d'être portés par la collectivité (l'Etat et la société) qu'ils servent. C'est cette équation qu'artistes et responsables doivent, ensembles, mettre en application. H. G.