La Tunisie plonge chaque jour dans l'incertitude. À Ben Guerdane, la situation n'a pas l'air de connaître l'apaisement. Vendredi, au début de la journée, le calme était manifeste, en quelque sorte, dans la ville, après un jeudi noir vu les dégâts importants causés au commissariat de police, quand les agents se sont retirés, après l'épuisement des stocks de gaz lacrymogène et leur refus de tirer sur les manifestants, selon les dires de l'officier de police, Samir Néji. Le poste de la douane a été envahi et les manifestants se sont emparés de ce qu'ils ont trouvé dedans comme les climatiseurs, les ordinateurs ainsi que les voitures stationnées dans le parking, avant de l'incendier. De même, le local du parti Ennahdha a été saccagé : les protestataires ont défoncé la porte, cassé des chaises et des tables et brûlé quelques livres et documents, d'après le responsable local Mohamed Chandoul. Avec l'arrivée des militaires des casernes de Ben Guerdane et Zarzis, le calme est revenu dans la ville qui a passé une nuit tranquille par rapport aux précédentes. Hier matin, la vie a commencé à reprendre son cours normal sous l'œil vigilant des militaires postés dans les endroits stratégiques comme le souk maghrébin, la délégation, la commune, les administrations, les banques... Les commerçants ont rouvert leurs boutiques, et on a entendu dire que les manifestants qui se sont emparés de quelques armes, hier, du commissariat, les ont rendues, sur intervention du délégué de la ville qui jouit, semble-t-il, de beaucoup de respect de la part des citoyens. Autrement dit, cette accalmie n'a duré qu'un laps de temps, puisque avec le retour des forces de sécurité à leur poste de travail, la confrontation entre les agents et les jeunes a repris de plus belle ; les jets de pierres, d'un côté, et les bombes lacrymogènes, de l'autre, ont réapparu jusqu'à l'appel à la prière du vendredi. Au poste frontalier de Ras Jédir, avant-hier, les premiers camions qui ont franchi la frontière étaient escortés par des patrouilles mixtes. Hier, le trafic s'est de nouveau arrêté, du côté tunisien. Actuellement, seuls les passagers libyens et tunisiens qui souhaitent rentrer chez eux sont autorisés. Ben Guerdane est encore en ébullition depuis la fermeture début décembre par les autorités libyennes de ce point de passage frontalier, névralgique pour le commerce. Sa fermeture décidée par les autorités libyennes fait suite aux plaintes de Libyens affirmant avoir été agressés sur le sol tunisien. Cependant, l'antenne locale du syndicat tunisien UGTT a maintenu sa grève générale à Ben Guerdane pour réclamer des investissements et des mesures de lutte contre le chômage. Les mouvements sociaux se sont multipliés ces derniers mois en Tunisie, compte tenu des espoirs socioéconomiques déçus deux ans après la révolution qui a chassé du pouvoir le président Zine El-Abidine Ben Ali. Des affrontements avaient eu lieu dimanche et lundi faisant plusieurs blessés et amenant le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali à se rendre à Tripoli pour négocier la réouverture de Ras Jdir. Cette zone est aussi considérée comme un lieu important pour les trafics régionaux, en particulier pour les armes récupérées dans l'arsenal du régime de Mouammar Kadhafi. I. O.