En dépit de la forte présence de la police, la marche des non-dialoguistes a été un succès. La marche initiée par la Coordination des archs des communes de Sidi-Aïch a drainé, jeudi dernier, une foule nombreuse venue démontrer son hostilité au processus de dialogue engagé par une aile de l'Interwilayas des archs avec le Chef du gouvernement, autour des “incidences” des évènements de Kabylie. En effet, en dépit des nombreuses tentatives de dissuasion menées la veille de la manifestation par le groupe de délégués favorables au dialogue au niveau de la ville de Sidi-Aïch et malgré la forte présence policière, des milliers de citoyens de la région ont tenu à prendre part à cette démonstration de rue, dont la mobilisation nous rappelle les actions d'envergure menées par le mouvement citoyen durant les moments forts de la contestation kabyle. Selon les organisateurs de la marche, les partisans du dialogue version Ouyahia n'ont pas hésité à recourir à la désinformation et à l'intox, et ce, après avoir constaté la détermination de la population à manifester son désaveu de la démarche des délégués “dialoguistes”. “Malgré toutes ces manœuvres visant à briser notre action, nous avons pu déjouer ce complot tramé par les tenants de la compromission, de connivence avec certains responsables locaux”, nous a déclaré Atmane Mazouz, délégué de Tinebdar, à quelques minutes de l'entame de la marche. C'est vers les coups de 11h 30 que la foule compacte, venant des communes de Sidi- Aïch, El-Flaye, Tinebdar, Tibane, Souk-Oufella, Chemini, Akfadou, Tifra, Timezrit, Sidi-Ayad, Adekar…, s'ébranlera depuis la place Mohamed-Boudiaf, près de la poste de Sidi-Aïch, pour parcourir l'artère principale de la ville. Tout au long de l'itinéraire de la marche, les manifestants qui exhibaient des billets de banque n'ont cessé de scander des slogans dénonçant le Chef du gouvernement et les délégués acquis à la démarche de ce dernier. “Ulac smah ulac”, “Non à la trahison”, “Non aux délégués taiwan”…, crient-ils à tue-tête. Arrivée au carrefour des Quatre-Chemins, la procession humaine s'amasse sur l'esplanade du siège de l'APC de Sidi-Aïch, où plusieurs délégués de l'interwilayas des archs ont animé un meeting populaire. Le délégué du arch des Ath Waghlis, Atmane Mazouz, accompagné de son frère de lutte, en l'occurrence Mustapha Brahiti, l'un des détenus des évènements des années 1980, sera le premier à prendre la parole pour dénoncer, d'emblée, ses anciens camarades de l'Interwilayas des archs qui, dit-il, “ont bradé le combat pour lequel se sont sacrifiés 124 martyrs contre des avantages sonnants et trébuchants”. L'orateur qui insistera sur la nécessité de continuer le combat jusqu'à l'aboutissement des revendications citoyennes contenues dans la plateforme d'El-Kseur, fera la lecture d'une déclaration politique décriant le protocole d'accord assimilé à une “véritable arnaque historique”. “Des délégués ont été interpellés par la police alors qu'ils venaient pour participer à la manifestation, puis emmenés dare-dare au commissariat de Sidi-Aïch, et ont vu leurs papiers confisqués”, lit-on sur ce document. Concernant les préalables posés par le mouvement citoyen, la déclaration relève que “le génie maléfique du Chef du gouvernement a réussi à transformer des préalables politiques en incidences de parcours”. “La défiscalisation légitimement réclamée par les commerçants artisans et autres opérateurs économiques de la Kabylie est ramenée à un vulgaire dégrèvement qu'un simple inspecteur des impôts peut consentir. Alors qu'une cinquantaine d'APC n'ont bénéficié d'aucun budget de développement, faute d'élus, la dissolution des assemblées taïwans, installées contre la volonté populaire, est refusée cyniquement par le pouvoir maffieux”, souligne-t-on. Pour leur part, les deux délégués d'Akbou, Sofiane Adjlane et Zahir Benkhellat, qui se sont succédé au micro, n'ont pas été tendres avec certains de leurs ex-camarades du mouvement citoyen. “Aujourd'hui, la rue a vibré à Sidi-Aïch, mais sans la présence des délégués autoproclamés qui se targuent d'une légitimité virtuelle”, dira Zahir Benkhellat sous un tonnerre d'applaudissements. De son côté, Amar Zerrouk, délégué de Tizi n'Tleta (CADC de Tizi Ouzou) est allé jusqu'à citer nommément des délégués ayant “bénéficié d'intérêts matériels contre leur reddition”. Lui succédant, l'ex-détenu et délégué de Bouira, Meziane Chabane, reviendra sur les tractations secrètes menées à l'intérieur même des prisons. K. O.