La sortie médiatique de l'ex-responsable du SNM, qui intervient dix jours après le verdict de la chambre administrative d'Alger, invalidant le VIIIe congrès du FLN, se veut vraisemblablement une sorte d'autopsie du pouvoir judiciaire. Mohamed Ras El-Aïn est revenu sur les missions du pouvoir judiciaire et sur les principes sur lesquels est fondée la justice, en mettant en avant les dispositions 139 et 140 de la Constitution, notamment l'article 147 de la Loi fondamentale qui stipule : “Le juge n'obéit qu'à la loi.” L'auteur affirme, quant à lui, que “le symbole de la justice algérienne est désormais sérieusement menacé”. Dans un sous-chapitre intitulé “pressions exercées sur les magistrats”, l'ex-président du tribunal d'Alger est revenu sur les cas des magistrats qui ont fait l'objet de décisions de fin de fonctions ou de mesures de suspension et ce, pour avoir refusé de céder aux pressions. L'exemple édifiant cité dans la déclaration est le cas du président de la cour, M. Mohamed Zitouni, auquel on a décrété la “fin de fonctions”. “La sanction a été infligée pour le seul tort d'avoir défendu ses prérogatives et son indépendance lors des gravissimes dépassements après promulgation de la décision de justice de nuit le 1er octobre 2003”. Ras El-Aïn explique que le président de la cour a été destitué après avoir récusé de cautionner la décision interdisant la tenue du congrès extraordinaire du FLN devant avoir lieu le 4 octobre dernier et devant plébisciter Ali Benflis pour se présenter à la présidentielle. L'autre cas évoqué est celui du procureur adjoint, Rafik Menaseria, près la cour d'Alger, qui a été suspendu de ses fonctions. “Le seul tort de ce dernier est le fait de se plaindre de la situation de falsification de son nom dans la décision de justice de nuit. Cette suspension est une violation de l'indépendance et de l'immunité des magistrats”, commente le rédacteur de la déclaration. Le cas de la suspension du président de la chambre du Conseil d'Etat, Ahmed Belil, a été cité par Ras El-Aïn. L'ex-président du SNM relève que le président de chambre a fait l'objet d'une telle mesure après voir promulgué la décision du 18 octobre 2003 devant annuler la décision de justice de nuit. Dans le même chapitre, il évoque son cas (Ras El-Aïn ndlr) de mutation près la cour de Annaba. Ras El-Aïn se réfère à l'article 16 qui garantit la stabilité au magistrat qui a dix ans de service effectif. Sur le dernier mouvement des magistrats, il a laissé entendre que ce mouvement ne prend en compte ni l'intérêt familial des magistrats ni les droits élémentaires de leurs enfants scolarisés. Au sujet de l'ouverture tardive de l'année judiciaire, il explique que cet ajournement de trois mois, selon lui, affecte le bon déroulement de l'appareil judiciaire et porte atteinte à sa crédibilité. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, est pour sa part accusé d'interférer lourdement par notes de service interposées dans le libre exercice des juges. Il cite à cet effet la note 1038 du 27 octobre 2003 du ministre de la Justice dans laquelle il demande aux magistrats de trancher dans les affaires de justice dans des délais déterminés. Pour Ras El-Aïn, “la note de la chancellerie vient à l'encontre de l'article 147 de la Constitution qui consacre les prérogatives des magistrats et à l'encontre des codes de procédures civile et pénale”. En outre, l'ex-responsable du Syndicat des magistrats aborde la loi organique portant le statut de la magistrature et le Conseil supérieur de la magistrature. Il revient sur les deux projets de loi qui sont restés gelés jusqu'à la convocation de la commission paritaire en septembre 2002 et ce, suite à la non-adoption par le Sénat de 5 articles de la loi. Après que les deux chambres parlementaires se sont entendues sur les articles objets de litiges, le projet a été ainsi adopté, dit-il, par l'APN et le Conseil de la nation en octobre 2002. Mais, cette loi a fait, dit-il, l'objet d'une saisine du président de la République adressée au Conseil constitutionnel en date du 24 octobre 2002 et enregistrée le 26 du même mois par le secrétariat général du Conseil constitutionnel. C'est ainsi que l'institution que dirige Ahmed Bedjaoui a rendu, le 26 novembre 2002, l'avis de non-conformité de la loi portant statut de la magistrature. Il explique que les délais constatés entre la saisine du président de la République et l'avis rendu par le Conseil constitutionnel n'est pas conforme à la disposition 167 de la Constitution. L'article en question stipule que “le Conseil constitutionnel délibère à huis clos son avis ou sa décision dans les vingt (20) jours qui suivent la date de sa saisine”. Faisant une comparaison, Ras El-Aïn démontre que le Conseil constitutionnel a consommé 22 jours pour rendre public son avis. L'auteur de la déclaration conclut ainsi que l'avis du Conseil a été promulgué hors les délais impartis par la Constitution et le règlement intérieur. Il interpelle à cet effet le premier magistrat du pays pour intervenir afin de protéger la Constitution et ordonner la promulgation de cette loi, d'autant qu'elle n'est pas en porte-à-faux avec la Loi fondamentale du pays. Sur un autre plan, l'ex-président du tribunal d'Alger a dénoncé “l'utilisation et l'exploitation à des fins politiques” des deux projets de lois organiques portant le statut des magistrats et le Conseil supérieur de la magistrature. Comment ? Il précise qu'il existe en fait quatre projets de lois, deux traitant le statut et deux autres le Conseil supérieur de la magistrature. Il affirme que les projets de lois endossés par le Conseil de gouvernement le mois de février 2003 et envoyés au Conseil d'Etat n'ont pas été adoptés par le Conseil des ministres. R. H.