Billie Holiday Forever est une de ces grandes dames de la chanson américaine originaire d'Afrique. Elle considère et insiste que le jazz est une musique des Noirs américains non pas seulement par sa pratique mais par ses origines très justement africaines. Le jazz est pour elle, comme pour Ella Fitzgerald, la voix du peuple noir d'Amérique par laquelle elle étale au grand jour les affreux traitements infligés aux siens sous tant d'années de souffrance et d'enchaînement. Même si sa situation sociale s'est quelque peu améliorée grâce à ses talents de chanteuse émérite, Billie n'a jamais oublié les champs de maïs où la rudesse des travaux dépassait l'insupportable. Tout son répertoire est une autobiographie de sa vie. Elle déclare dans un journal newyorkais qu'elle a vécu ses chansons et quand elle les écoute elle les vit encore plus. Elle chante un drame comme si elle venait d'assister à un lynchage, comme si elle avait été elle même lynchée. “Elle se réconcilie avec son existence lynchée", disait un de ses biographes. Elle écrit dans une de ses chansons que les trains vont doucement comme la douleur qui veut vous anéantir peu à peu. Elle se rebelle contre un passage troublant de la Bible qui dit : “Ceux qui ont, posséderont et ceux qui n'ont rien, perdront". La vie de Billie Holiday a été marquée de tant de déceptions et tourments. Elle ira par deux fois en prison sous des prétextes fallacieux. Elle dira aux juges qui l'accablent : “Je sais que la couleur de ma peau est noire". En prison elle racontera que l'ayant reconnue, la surveillante lui tente un traitement de faveur car, dira-t-elle, elle espérait gratuitement des tickets d'entrée à ses concerts une fois libérée. En 1949, on lui retirera sa carte de travail comme pour la décourager dans sa quête de justice. Pour pénétrer plus en profondeur la douleur ressentie par les enfants enlevés à leurs familles par les corsaires qui s'en allaient les vendre en esclaves au XVIIe siècle sur les quais des tristes ports américains, Billie adopte deux orphelins retrouvés seuls errant sur les trottoirs sales d'une banlieue dans une nuit glaciale. C'est auprès d'eux qu'elle apprendra que la misère est muette comme la folie des hommes est aveugle. Quand ont lui dit qu'elle chante la faim mieux que tout le monde c'est, dit-elle, parce que tout simplement je l'ai subie. Le recueil des chansons de Billie Haliday Forever entretien la mémoire. Il est un hymne à la souffrance des anciens esclaves africains. A. A. [email protected]