Après l'unanimité, la discordance. De multiples voix s'élèvent en France contre son entrée en guerre dans le Nord-Mali décidée par le président français. Les réserves formulées par ceux qui craignaient d'emblée l'embourbement se sont révélées à leurs yeux justes : de force d'appui préconisée par la résolution onusienne, l'intervention française s'est révélée au fil de ses étapes la seule sur le front de la contre-offensive contre les djihadistes. L'arrivée des “renforts" de la Cédéao n'a pas fait illusion. Au mieux, le millier de Nigérians, Nigériens, Tchadiens, Burkinabés, Ivoiriens, Ghanéens et autres de l'Afrique de l'Ouest, composant la Misma, sont utilisés comme supplétifs avec les soldats maliens, dans des tâches de remise en ordre dans les localités reconquises aux djihadistes. Et à ce niveau, la situation ne se déroule pas comme attendue : des exactions contre les minorités touareg et arabe sont enregistrées sur le compte de l'armée malienne. Au point où l'ONU demande des enquêtes. Le ministre français de la guerre a reconnu cette grave dérive, interdisant, d'autre part, la présence de journalistes sur le terrain des combats. Une guerre à huis clos, sans témoignage, comme celle de George Bush en Irak, n'ont pas manqué de dénoncer des voix discordantes en France. Mais pas encore la presse française, laquelle tout de même commence elle aussi à s'interroger sur la montée en cadence de l'implication française. 3700 soldats français sont déployés, dont 2400 soldats au sol pour empêcher le Mali de devenir “un sanctuaire terroriste", a dit le ministre de la guerre de François Hollande, qui a précisé qu'ils prenaient part à des combats décisifs. C'est clair comme l'eau de roche. Pour l'instant et depuis le 11 janvier, les soldats français mènent seuls la dance. Ce que ne manquent plus de dénoncer les anti-guerre en France, se ralliant aux mises en garde exprimées il y a plus d'une semaine par l'ex-ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, De Villepin, dont la magistrale intervention devant le Conseil de sécurité de l'ONU contre la guerre de l'Irak est toujours dans les mémoires. Ces voix relèvent que la guerre du Mali est aussi une guerre d'intérêts, intervenant au moment où la France souffre particulièrement de la crise économique. Les concurrents sont surtout les Chinois : ce sont eux qui ont permis au Niger de devenir producteur de pétrole il y a moins d'un an et demi. Un spécialiste de géopolitique a même inventé le concept de “géopolitique des tubes au Sahel", expliquant que les oléoducs et gazoducs y sont et seront à l'avenir cruciaux. En outre, les richesses naturelles ne sont pas que pétrolières ou gazières. L'uranium occupe une place stratégique, notamment pour la France. Sur le sujet, les Chinois sont en embuscade : ils sont en train de négocier avec le gouvernement du Niger, ce qui fragilise la position d'Areva. Et le nord du Mali recèlerait davantage d'uranium que le Niger... Il faut aussi prendre en compte le fer, le phosphate et les terres rares. Pour les spécialistes de géostratégie, la chute du régime de Kadhafi a rebattu les cartes dans la région, et la France en a secoué le puzzle qui se mettait en place, d'autant que la Cédéao traînait les pieds, tout comme l'ONU. Tous ont été pris de court par le retournement d'Ansar Dine et la marche des djihadistes sur Bamako. La France a dû intervenir rapidement pour éviter un éclatement du Mali, n'arrêtent pas d'expliquer les officiels français. François Hollande aurait voulu renforcer la présence de la France de façon soft en “africanisant" la reconquête du nord du Mali par le dispositif de la Cédéao. Ça va se faire, mais la France n'aura pas évité de se faire taxer d'“hégémonique" et de “néocolonialiste". Par ailleurs, l'image de François Hollande n'a pas changé suite à son intervention au Mali. Sa guerre a eu un impact limité sur l'opinion, 60% des Français déclarant qu'elle n'a changé ni en bien ni en mal l'image qu'ils ont de François Hollande, selon un dernier sondage en France. Si le président socialiste comptait faire oublier ses promesses électorales, il a échoué avec ce risque d'un retour de boomerang de son équipée au Sahel. D. B