L'argent a toujours été le nerf de la guerre. Pour libérer le nord du Mali, une intervention militaire se prépare. Qui la financera ? Le Conseil de sécurité devrait examiner très bientôt le plan d'intervention africain pour reconquérir la moitié nord du Mali occupée par les djihadistes. L'opération a été esquissée à Abuja, la capitale du Nigeria, par la Cédéao, des pays voisins et en présence de représentants de la France et des états-Unis. L'opération n'est cependant pas pour bientôt, et de nombreuses questions demeurent en suspens. Après deux résolutions de l'Onu, en juillet puis septembre derniers, pressant la Cédéao de revoir sa copie pour fournir un plan d'action digne de ce nom, cette dernière espère que le Conseil de sécurité donnera enfin son feu vert au déploiement d'une force internationale conduite par l'Afrique. Mais ce plan, échafaudé si laborieusement, comporte encore et toujours des imprécisions. Il prévoit 3 300 soldats pour une durée d'un an, a annoncé le président ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Cédéao. Qui fournira les troupes ? Les soldats proviendraient prioritairement de la Cédéao, mais aussi d'autres pays. Aux côtés des contingents du Nigeria, du Sénégal, du Niger et du Burkina Faso, le président ivoirien a évoqué le Ghana, le Togo, le Tchad “qui pourrait participer" et le maintien de contacts avec d'autres pays, notamment la Mauritanie et l'Afrique du Sud. Cela fait beaucoup de conditionnel. Autre question sans réponse : combien coûtera l'opération dans le Sahel ? Qui financera ? Et puis l'opération n'est pas pour demain. Il y a encore du travail à faire, soulignent des experts militaires. Ne serait-ce que parce qu'il va falloir entraîner tous ces contingents de divers horizons et les acclimater pour un théâtre d'opérations immense et désertique. Sans compter qu'il faudrait remettre sur pied l'armée malienne, dans un état de déliquescence avancée et censée être au cœur du dispositif de reconquête du Nord. Les chefs d'état-major de la Cédéao ont chiffré leurs besoins à 500 millions de dollars pour six mois, montant que Paris estime totalement surévalué, et ce n'est sûrement pas François Hollande qui mettra la main à la poche avec 2000 chômeurs supplémentaires chez lui et la chute de sa popularité auprès des siens. Se tournera-t-il vers le Qatar, présent dans le nord du Mali avec ses ONG ? Si la mission de ces contingents africains sera d'appuyer l'armée malienne, les soldats de la Micéma sont encore loin d'avoir préparé leur paquetage. La France, qui va jouer un rôle de premier plan, est certes habituée dans cette région où elle entretient sa présence, au titre de la Françafrique, au Sénégal, en Mauritanie, au Tchad, au Gabon, en Côte d'Ivoire, en République centrafricaine, mais elle a promis de se contenter du soutien logistique et elle sait que sa confrontation directe contre les djihadistes risque de rallumer les feux du terrorisme chez elle. L'Aqmi l'en a d'ores et déjà menacée. Les états-Unis, moins favorables à l'équipée militaire, mettront en œuvre leur technologie : leurs satellites et leurs drones qui ne leur ont valu que de l'impopularité au Pakistan et en Afghanistan avec les dommages collatéraux de ces matériels de guerre ultrasophistiqués. L'Union européenne a été appelée à la rescousse : elle planche sur une mission d'entraînement des troupes. De fait, il ne faut pas s'attendre à une intervention militaire avant six mois. De quoi laisser le temps à la négociation, l'option privilégiée par l'Algérie notamment. D. B