L'Egypte a replongé dans la violence, à l'occasion de la célébration du deuxième anniversaire de la chute de Hosni Moubarak, marquée par le verdict du procès des incidents ayant suivi un match de football, qui a rajouté de l'huile sur le feu, hier, comme le montre le bilan des affrontements entre policiers et manifestants. Vingt-deux personnes ont été tuées et plus de 200 autres blessées hier dans les violences à Port-Saïd, a annoncé le ministère de la Santé dans un nouveau bilan. Ces affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont éclaté après l'annonce de la condamnation à mort de 21 égyptiens pour leur implication dans les violences meurtrières ayant suivi un match de football l'an dernier dans cette ville. Ces chiffres viennent s'ajouter à ceux de la veille, où sept personnes ont été tuées dans des affrontements entre manifestants hostiles au pouvoir islamiste et forces de l'ordre en égypte, alors que le pays marquait le deuxième anniversaire du début du soulèvement, qui a renversé Hosni Moubarak. Les manifestants menaçaient le pouvoir islamiste de chaos, exigeant la reformulation de toutes les règles du jeu politique pour les mettre en conformité avec les objectifs du vaste mouvement populaire qui a eu la peau de Moubarak et du système pharaonique qui l'a maintenu à la tête de l'égypte pendant plus de 30 ans. La journée d'hier s'est également révélée à hauts risques après le verdict dans le procès de l'un des pires drames du football, 74 morts l'an dernier à Port-Saïd, qui soulève des passions. Devant cette situation, l'opposition égyptienne a menacé de boycotter les élections législatives prévues dans les prochains mois si le pouvoir islamiste n'appliquait pas “une solution globale" à la crise que vit le pays, notamment en créant un gouvernement “de salut national". Le communiqué du Front du salut national (FSN) intervient dans un contexte de vives tensions. Le Front, principale coalition de l'opposition aux islamistes, a déploré les décès qui se sont produits au cours de ce qu'il a qualifié “de nouvelle vague révolutionnaire" et appelé les égyptiens à manifester “pacifiquement". Il exige notamment la formation d'un gouvernement de salut national, d'une commission de juristes pour amender la Constitution qu'il qualifie d'“illégale" et le limogeage du procureur général nommé par le président islamiste Mohamed Morsi. Si ces conditions, que le FSN qualifie de “solution globale" à la crise politique, ne sont pas remplies “dans les prochains jours", l'opposition “invitera le peuple égyptien à manifester pacifiquement vendredi prochain pour faire tomber la Constitution" et réclamer “l'organisation d'une élection présidentielle anticipée". La Constitution a été adoptée par référendum en décembre 2012, mais l'opposition lui reproche d'avoir été élaborée par une commission dominée par les islamistes et d'ouvrir la voie à un affaiblissement de certaines libertés. “Le Front a aussi décidé de ne participer aux prochaines élections législatives que dans le cadre de cette solution nationale globale", selon le texte. Ceci étant, la place emblématique Tahrir du Caire a ainsi repris du service depuis vendredi pour dénoncer les velléités pharaoniques du président Morsi issu des Frères musulmans. Une énorme pancarte était déployée sur la place avec l'inscription “Le peuple veut faire tomber le régime", tandis que la foule scandait “Erhal, Erhal !" à l'encontre de Morsi, comme pour Moubarak il y a deux ans. Et, à l'évidence, le successeur de celui-ci ne trouvera pas d'issue à cette nouvelle confrontation, en fait, une nouvelle étape de la crise qui est apparue depuis son élection à la magistrature suprême. L'armée a encore déployé des hommes et des blindés légers afin de protéger les bâtiments officiels, notamment le long du canal de Suez, la poule aux œufs d'or du pays. Ce regain de tension dans la crise opposant le président islamiste Mohamed Morsi, qui se prévaut d'avoir été démocratiquement élu en juin 2012, et l'opposition qui l'accuse de dérive autoritaire, est aggravé par les lourdes difficultés économiques que traverse le pays. Le climat s'est fortement envenimé depuis fin novembre, date à laquelle Morsi se dotait de pouvoirs exceptionnels, puis a poussé le feu pour faire passer une Constitution rédigée par une commission islamiste. Les Frères musulmans, dont est issu Morsi, n'avaient pas officiellement appelé à commémorer la chute du régime militaire, alors qu'ils sont les seuls à en avoir tiré tous les bénéfices. La confrérie s'emmêle les pinceaux dans la gestion économique. D'un côté, le pays a besoin d'argent, de l'autre, le processus d'islamisation de la société dissuade les investisseurs et les touristes, l'or noir de l'égypte. Pour l'instant, le Qatar, proche des Frères musulmans, sort son carnet de chèques au bord du Nil mais jusqu'à quand ? Le Caire sous la coupole du minuscule émirat, ce n'est pas une simple image. De toutes les façons, l'argent de celui-ci ne suffira pas, et jamais le nouveau pouvoir égyptien ne parviendra à redresser la barre sur le plan économique. Pour ce faire, la thérapie est une vraie démocratie, largement partagée, et c'est valable pour tous les régimes arabes. D. B