Jusqu'à hier, la direction du FLN n'a reçu aucune notification du jugement prononcé par la chambre administrative de la cour d'Alger portant sur le gel de ses activités, de ses avoirs et l'invalidation du VIIIe congrès. La justice, qui a été très rapide dans le traitement de l'affaire, souligne un membre du bureau politique du parti, n'a pas fait autant d'efforts pour envoyer le document de notification à la formation de Ali Benflis, pour qu'il puisse au moins faire appel auprès des juridictions compétentes. Pourquoi ? Certains analystes pensent, en effet, trouver la réponse du côté du mouvement de “redressement”. Selon eux, en cas de notification de la décision, ce dernier sera frappé autant que la direction nationale de l'interdiction d'activer sous le sigle du FLN. Or, l'objectif du “mouvement”, dirigé pour le compte du président de la République par Abdelaziz Belkhadem, est de bénéficier de la couverture politique du parti, après l'avoir décapité de sa direction issue du VIIIe congrès tenu en mars 2003. Le ministre des affaires étrangères avait d'ailleurs annoncé la couleur au lendemain même de la décision de la chambre administrative de la cour d'Alger. Lors d'un rassemblement qu'il avait organisé dans la wilaya de Naâma, celui qui représentait à l'ère du parti unique les barbes FLN, se targuait d'être “le représentant légitime” du parti, en soulignant au parterre de sympathisants que “les activités d'el-djabha ne sont pas gelées, la preuve, disait-il, “nous nous sommes réunis, aujourd'hui, sous son sigle”. Belkhadem qui prétextait une mauvaise lecture et une interprétation détournée de la décision de justice, pour s'approprier aisément l'appareil du parti, est en fait piégé par sa propre démarche d'expropriation. Son mouvement de “redressement” qui, par divers moyens de pression, a obtenu ce qu'il cherchait, soulignent les observateurs de la scène politique, craint surtout la décision du Conseil d'Etat s'il est saisi en appel par la formation d'Ali Benflis. Cette juridiction qui a eu déjà à statuer sur l'affaire, le 18 octobre dernier, en affirmant l'incompétence des juridictions administratives de traiter des litiges internes aux partis politiques, ne peut prononcer un jugement contraire à l'arrêt rendu auparavant. Ceux qui ont tiré les ficelles dans cette affaire jugent plus opportun de garder le statu quo. Il s'agit pour eux de sauver la petite marge de manœuvre qui leur reste en maintenant la situation en l'état : la non-notification de la décision empêchera automatiquement la faisabilité d'un éventuel recours devant le Conseil d'Etat. Mais ce n'est, par ailleurs, pas le seul obstacle auquel est confronté le mouvement de “redressement”. Même du point de vue des anciens statuts du parti, Abdelaziz Belkhadem et ses amis, décidément mécontentés ces derniers jours, par le fait qu'aucun d'eux n'a eu la gratification sénatoriale tant attendue, chose qui a été à l'origine d'échauffourées entre eux avant-hier, se retrouvent coincés dans leur propre traquenard. D'abord, aucune loi ni aucune tradition politique n'autorise l'organisation d'un congrès par les militants. Cette éventualité évacuée, “les redresseurs” qui se sont crus confortés par l'annulation des suites du VIIIe congrès, butent sur le retour à la légitimité de l'ancienne direction du FLN et des autres instances issues du VIIe congrès. Ali Benflis demeurera secrétaire général du parti avec le soutien de la majorité des membres de l'actuel comité central qui siégeaient, eux aussi, au sein de cette instance depuis 1997. Du point de vue de la légalité, l'ancien chef du gouvernement et candidat à la prochaine élection présidentielle joue sur du velours. Même les anciennes lois qui régissaient le fonctionnement interne de son parti le confortent, car le congrès ne peut être convoqué que par ses soins ou par les deux tiers des membres du CC. “Les redresseurs” sont, loin de pouvoir atteindre cet objectif. D'ailleurs, les présidents des bureaux du VIIe et du VIIIe congrès, en l'occurrence Ahmed Benfriha et Abdelkrim Abada, animeront, mercredi prochain, une conférence de presse conjointe durant laquelle ils jetteront la lumière sur les circonstances de la tenue de ces deux rendez-vous organiques du parti du FLN. Le premier sert de référence pour les “redresseurs”, le second fait l'objet de contestation. S. R.