Le verdict de la chambre administrative est assorti du gel des activités du parti et de ses avoirs financiers. La justice a décidé, hier, d'invalider le VIIIe congrès du FLN. C'est le juge, Abdelmalek Boubetra, président de la chambre administrative de la cour d'Alger qui a rendu, tôt le matin, ce verdict pour le moins inattendu. Sur un ton un tantinet hautain, le juge a aussi précisé que la décision comprend le gel des activités et des avoirs de la formation dirigée par Ali Benflis. Cette décision répond donc intégralement à la requête du mouvement putschiste dit de “redressement” piloté par Abdelaziz Belkhadem le chef de la diplomatie algérienne. à en croire cet arrêt judiciaire, toutes les instances et les structures (le comité central et le bureau politique) du parti majoritaire à l'assemblée populaire nationale (APN) et aux assemblées locales élues (APW et APC), issues des VIIIes assises tenues en mars 2003 seront gelées. La décision prononcée, hier, est par ailleurs exécutoire. C'est-à-dire qu'elle peut produire ses effets juridiques rapidement. Ce qui pose donc la question de savoir comment cette décision sera traduite dans les faits et qu'elles seraient ses impacts juridiques sur les activités du parti. Ce sont autant d'interrogations que se pose l'opinion nationale pour laquelle la décision judiciaire d'hier ouvre la voie à toutes les incertitudes sur l'avenir du dispositif institutionnel du pays. Dans ce contexte, le plus vieux parti sur la scène politique nationale a la possibilité de faire appel et d'introduire un référé administratif au niveau du conseil d'état pour demander un sursis d'exécution de l'arrêt d'hier. Autrement dit, surseoir à l'application de la décision de la chambre administrative de la cour d'Alger. Ce faisant, l'annonce de la décision du juge Abdelmalek Boubetra a provoqué un tollé général, surtout parmi les avocats ayant assisté à la lecture du verdict. Tous dénoncent, à l'unanimité, le caractère politique de la décision et l'instrumentalisation de la justice par le président-candidat pour les besoins d'un second mandat. Selon Me Khaled Bergheul, un des avocats de la défense : “Cette décision a violé la loi régissant les partis politiques et le code de procédure pénal est venu en porte-à-faux avec la décision du conseil d'état qui représente la juridiction suprême en matière administrative et joue le rôle de contrôle et d'unification des juridictions”. “Ce qui ne donne pas, ajoute-t-il, la compétence pour la chambre administrative de statuer dans les affaires internes d'un parti”. Et de conclure : “personne ne pourra croire en la crédibilité de la justice qui a été instrumentalisée à des fins politiques”. De son côté, Me Belgacem Chellouche, également avocate de la défense affirme que “cette décision n'a aucun rapport avec le droit, car sur le plan du droit, on a dit que la chambre administrative n'a pas été saisie selon l'article 169 bis du code de procédure civile et de ce fait, sa demande est irrecevable et la chambre administrative est incompétente”. Elle précisera que “la défense a plaidé et a fait du droit et on a démontré que c'est une affaire interne au parti qui se règle à l'intérieur du parti et que la chambre administrative, non seulement n'a pas été saisie directement par le ministère de l'intérieur qui est habilité à vérifier la régularité des activités d'un parti, mais par des particuliers”. Pour sa part, Leïla Aslaoui juriste affirme : “C'est une décision qui ne saurait être justifiée en droit, car on n'a jamais vu une juridiction inférieure contredire une juridiction supérieure, en l'occurrence le Conseil d'état qui avait déjà tranché l'affaire”. Et de souligner que “généralement, la jurisprudence et les hautes juridictions telles que le Conseil d'état et la Cour suprême s'imposent aux juridictions inférieures, il s'agit donc d'un coup de force et d'un coup d'état où l'on voit une justice aux ordres et aux mains du clan présidentiel et de Bouteflika qui s'est assujetti les institutions”. Cela étant, de l'avis de Aslaoui “ce que l'on pourrait croire comme étant un échec juridique n'est pas un échec politique, car de toutes les façons, la bataille continuera et Benflis sera élu président de l'Algérie”. Nadia Mellal Après la décision de justice Grande satisfaction des ministres “redresseurs” Les ministres dits proches du président de la république, présents en force, hier, à la cérémonie de distinction des meilleurs lauréats au baccalauréat 2003, tenue au palais de la culture (Alger), étaient aux anges. Abdelaziz Belkhadem, Saïd Barkat, Amar Tou, Tayeb Louh, Rachid Harraoubia… affichaient des mines réjouies, en apprenant la décision de l'invalidation du VIIIe congrès du FLN, prononcée par la chambre administrative de la cour d'Alger. Commentant l'événement, le coordinateur du mouvement de “redressement” du FLN, Abdelaziz Belkhadem, estime qu'“il n'y a ni vainqueur ni vaincu. C'est là un signe de bonne santé du parti”. Avant d'ajouter : “Nous ferons en sorte que le FLN fasse sa mue, mais il restera fidèle à sa ligne politique et à ses principes”. Le mouvement qu'il préside plébisciterait-il la candidature de Bouteflika ? “Le congrès réunificateur est souverain”, rétorque Belkhadem.“La justice est rendue, s'exclame pour sa part le ministre des télécommunications et des nouvelles technologies, Amar Tou. N'appréhende-t-il pas une riposte des partisans de Ali Benflis ? “Non. La vie politique est faite d'attaques et de contre-attaques. En outre, en politique, on n'a pas d'ennemi. Certainement qu'ils vont introduire un recours. Mais nous nous sommes préparés en conséquence. Tous les scenarii sont prêts”, répond-il. En légaliste, le ministre de l'agriculture et du développement rural, Saïd Barkat, soutient : “Nous sommes respectueux de toutes les décisions de notre justice bien qu'elle puisse se tromper. Ali Benflis et moi sommes, et resterons, des militants du même parti. S'il veut rejoindre les rangs il est le bienvenu. En ce qui nous concerne, on s'achemine vers un congrès réunificateur qui se tiendra la deuxième quinzaine du mois de janvier”. Ce serait “un congrès sans exclusive qui bannira les clans au sein du parti. Tous les congressistes seront choisis par la base”, ajoute Amar Tou. Un congrès qui adoptera les nouveaux statuts du parti qui “sont actuellement en discussion au niveau de la base”. C'est sur la base de ces textes que “seront désignés le secrétaire général du parti, les membres du bureau politique et ceux du comité central”, a-t-il, encore précisé. La candidature de Ali Benflis à la prochaine présidentielle pourrait-elle être maintenue ? “Si le congrès le décide on ne s'opposera pas”, répond Barkat. “Oui, si le congrès le décide. Mais il ne le fera pas”, précise Amar Tou. Pour évaluer “les conséquences de la décision de la justice” le bureau national du mouvement de “redressement” du FLN s'est réuni hier. Selon Amar Tou, “un plan d'actions” sera arrêté. Arab Chih