Pour Yacef Saadi, “si nous n'avions pas acquis l'indépendance, la grève des 8 jours (28 janvier-4 février 1957) aurait été une erreur". Celle, en termes décodés, de Abane Ramdane qui en avait lancé l'idée. Comme si une guerre révolutionnaire populaire était une insurrection en dentelles ! Le traitement de ce pan important de la mémoire collective se devrait d'être fait bien loin de toute approximation. Pour Benyoucef Benkhedda, on ne peut saisir la dimension de cette grève, et la juger sainement que si on la replace dans le contexte politique de l'époque, tant elle a joué un rôle déterminant dans le recul de “la pacification", de la généralisation de la terreur et de la torture décidées par la caste coloniale. C'était donc loin d'être le fait d'une décision individuelle, le Comité de coordination et d'exécution (CCE) ayant estimé qu'il fallait internationaliser la question algérienne, briser la conspiration du silence sur une tragédie nationale assimilée à des “troubles locaux". Pour l'ancien président du GPRA “les Algériens devaient prendre à témoin la planète pour démontrer qu'ils n'étaient pas Français, mais des Algériens qui se battaient pour recouvrer leur indépendance". Un triple effet était recherché par le FLN. La crédibilisation de la démarche du groupe des Etats arabo-asiatiques au moment où il introduirait sa demande de réinscription du problème algérien à l'ordre du jour de l'AG des Nations unies. Convaincre l'opinion internationale que le FLN conduisait une guerre de libération et affirmer avec force sa représentativité et sa qualité d'interlocuteur exclusif en cas de négociations. Onze jours après la fin de la grève, une résolution de compromis (77 voix pour, 3 absents dont la France) sera adoptée. Il y est exprimé “l'espoir qu'une solution pacifique et juste sera trouvée par des moyens appropriés, conformément aux principes de la Charte des Nations unies". C'était une façon diplomatique de signifier que le problème algérien n'était plus tout à fait du ressort intégral de la France, et que l'ONU pouvait avoir son mot à dire à son sujet. La réaction de la caste coloniale fut des plus féroces, il est vrai. Mais Massu aura beau se proclamer le vainqueur, sa victoire ne sera que passagère. La cinglante réponse populaire des manifestations du 11 décembre 1960 à Alger en sera, de l'avis même de Benyoucef Benkhedda et de Djamila Bouhired, la parfaite illustration. A. M. [email protected]