Pour le ministre français de la guerre, Jean-Yves Le Drian, le conflit dans le Nord-Mali est entré dans sa phase finale ! Mais il refuse de se prononcer sur sa durée. On sait que l'échéance ne sera pas le printemps, comme l'avait avancé son homologue des Affaires étrangères. Toujours le ministre de la guerre : la phase finale de l'intervention militaire française représente la “partie le plus difficile et devrait durer un certain temps". Aux opérations qui se déroulent aux frontières avec la Mauritanie, l'Algérie et le Niger, s'ajoutent d'autres menées dans et autour des villes et agglomérations “libérées", au pas de charge, les unes après les autres, ces dernières semaines. En effet, alors que la fuite des djihadistes avait laissé penser que la victoire était proche, voilà que s'interrogent sérieusement des experts militaires français inquiets par la contre-offensive d'Aqmi, Ansar Dine et Mujao. Ces franchises d'Al-Qaïda ont certes fait fuir le gros de leurs éléments vers l'extrême nord où elles ont régné en maître, mais non sans avoir laissé des cellules dormantes dans les localités où elles avaient sévi durant huit à dix mois, avant l'intervention française. Les combats apparemment auraient également repris dans les zones que l'opération “Serval" avait libérées. C'est d'ailleurs ce qui explique la subite discrétion des responsables français sur ce qui se déroule dans le nord Mali. Les rares sorties de François Hollande, Jean-Yves Le Driant et Laurent Fabius sont le plus vague possible : pas de chiffres, ni d'objectifs atteints et encore moins d'échéances. Leur seul leitmotiv : “Il faut sécuriser ce territoire, et là, notre mission sera achevée." A Gao, les islamistes du Mujao semblent y être retranchés et livrent, selon des témoignages concordants, leur baroud d'honneur. Des accrochages ont également eu lieu à la mairie et au palais de justice de la ville. L'insécurité a gagné Kidal, la grande ville de l'extrême nord, entre les mains d'Aqmi avant l'arrivée des forces françaises. Un véhicule a explosé près d'un camp militaire occupé par des soldats français et tchadiens. Les forces spéciales françaises découvrent donc les attentats suicide, les opérations de harcèlement et des accrochages, modes opératoires dans lesquels excellent les djihadistes. Le dilemme pour la France est dans ce partage imposé entre la réapparition de combats dans les vastes zones libérées des gros effectifs djihadistes qui s'y étaient implantés après le coup d'Etat à Bamako au printemps dernier et la proclamation par les Touareg du MNLA de l'Etat de l'Azawad, et la poursuite de l'opération “Serval" dans l'extrême nord du Mali. C'est-à-dire terminer le travail dans les Ifoghas où les islamistes se sont réfugiés et sécuriser les zones libérées. Le ministère de la guerre française a, du reste, changé le nom de code de son intervention dans le nord Mali. L'opération “Serval", qui a consisté à arrêter les islamistes dans leur progression vers Bamako et à les chasser du Nord, fait place à l'opération “Panthère" dont l'objectif est de nettoyer les Ifoghas. C'est d'ailleurs dans une de ces opérations qu'une seconde victime française de l'intervention décidée par François Hollande a trouvé la mort mardi. Il faisait partie d'une section de commandos parachutistes partie en mission de reconnaissance dans ce massif des Ifoghas, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tessalit, où sont stationnés des éléments du 1er régiment d'infanterie de marine (Rima) d'Angoulême, dont beaucoup ont fait l'Afghanistan. La situation dans le nord Mali rappelle d'ailleurs l'Afghanistan, avec l'exposition de commandos équipés par le nec plus ultra de la technologie de guerre à des combattants islamistes armés de moyens de guerre conventionnels, mais souvent d'une redoutable efficacité. Il reste évidemment que c'est une guerre asymétrique, des kalashs et roquettes contre des patrouilles blindées truffées d'électronique, appuyées par des hélicoptères Tiges et des Mirage 2000D. Sans compter les yeux de drones américains dont la base est établie au Niger, vers la frontière avec le Mali et l'Algérie. Selon l'état-major français qui communique très rarement sur le nombre de morts dans les forces ennemies, une vingtaine d'éléments terroristes auraient été “neutralisés" ces dernières 48 heures. L'autre nouveauté de la semaine est que la France va enfin pouvoir souffler. L'Union européenne va enfin former l'armée malienne. Le général François Lecointre a déclaré que la mission européenne chargée de former l'armée malienne qu'il dirige débutera le 2 avril : près de 200 formateurs des 16 pays de l'UE vont arriver au Mali pour participer à la mission qui coûte 12,3 millions d'euros. La mission comportera également des cours sur les droits de l'homme, le droit international humanitaire et la protection des civils ainsi que les règles de conduite interne et le contrôle des forces armées par le pouvoir civil. Le général a, par ailleurs, appelé le gouvernement malien à équiper son armée comme il se doit, car, d'après lui, cette armée est encore plus pauvre que l'Etat qu'elle protège. En outre, elle doit impérativement arrêter les exactions qu'elle fait subir aux populations du Nord, sous le prétexte fallacieux que celles-ci, les Touareg et les Arabes, auraient été solidaires des djihadistes ! D. B