Au point où en est l'enquête des procureurs de Milan et de la justice de Montréal, il semblerait qu'il ne soit plus possible, pour le régime, de dissimuler les agissements mafieux imputés à certains de ses représentants. Il ne s'agit plus d'allégations d'une presse locale décrédibilisée par ses accointances claniques ou accablée d'insuffisance professionnelle dont il s'agit, mais d'investigations judiciaires menées par des institutions d'Etat au-dessus de tout soupçon d'irresponsabilité. Il se trouve que le pouvoir algérien, toujours prompt à démontrer son attachement à la légalité internationale, a souscrit à la plupart des instruments internationaux de lutte contre la criminalité transnationale. Et les a ratifiés. Il n'aura donc pas le loisir de se dérober à ses responsabilités internationales quand viendra l'heure de coopérer aux processus judiciaires provoqués par les affaires Saipem-Sonatrach ou SNC-Lavalin-Sonatrach, par exemple. Le mode de défense du régime ne peut donc plus être celui de nier ses pratiques mafieuses. Il semble s'être plutôt engagé dans une stratégie de reniement de ses membres, qui risquent d'être confondus de corruption caractérisée par la justice internationale. Le message du Président renfermait déjà la première mesure prévenant toute implication du régime politique dans des faits dont la justice, investie de la confiance du premier magistrat, aura à “tirer au clair l'écheveau de ces informations, pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur et fermeté les sanctions prévues par notre législation". Le cadre de résolution d'une telle affaire est posé. En cas d'insatisfaction, adressez-vous à la justice. Au mieux, Bedjaoui et Khelil seront éventuellement sacrifiés ; au pire, c'est la justice qui, cette fois-ci, aura renoncé à une indépendance que le Président lui aura reconnue par écrit. L'opinion publique en est témoin ! Comme pour toutes les grandes affaires de corruption, de détournement et autres abus de patrimoine, le tout est de dépolitiser l'affaire Sonatrach 2, “enrôlée" comme banale affaire de droit commun. Car, enfin, les scandales BRC, Khalifa, PNDRA et ceux concernant l'autoroute ou le thon rouge, ce n'était rien d'autre que cela. Sauf qu'ils n'ont pas été internationalisés et n'ont, donc, pas échappé au contrôle politique de leur traitement judiciaire. Mais bien que le processus judiciaire semble échapper au régime, la riposte s'organise sur la base de l'argument de la fable du “bon calife et du mauvais vizir", récemment re-théorisée par Benachenhou. Le président-directeur général de Sonatrach en exercice s'est engouffré, à son tour, dans la brèche de “l'acte isolé", en condamnant “des agissements individuels", alors qu'on ne lui demandait pas de se prononcer sur des “agissements", qui, justement, dépassent Sonatrach. Mais l'orfèvre en la matière reste l'inénarrable Louisa Hanoune qui proclame, du haut de son siège d'“opposante", qu'“il est erroné de qualifier Khelil d'homme du Président". Ceux qui le font, font preuve d'“immaturité intellectuelle". “Le clan du Président", selon la formule énoncée par Khelil, lui-même, aurait été “imposé à l'Algérie". Bientôt, nous nous retrouverons dans cette étrange situation ; celle de défendre le régime contre la mauvaise presse que peuvent lui faire ses protégés, quand ils viennent à se faire prendre ! M. H [email protected] .