La perte de la plaque en bronze ne suffit apparemment pas à alerter les autorités locales, car hormis la plainte déposée par l'APC il y a quelques jours, aucun élu ni aucun responsable n'a daigné se déplacer sur les lieux pour constater les dégâts. Le monument aux morts, un patrimoine historique de la ville de Constantine, a été profané le 23 janvier dernier, lorsque des individus ont arraché une grande partie de la plaque commémorative portant les noms de soldats morts lors de la Première Guerre mondiale – des musulmans, des juifs et des chrétiens originaires de la ville. Encore une fois, les Constantinois constatent avec amertume le désastre causé par cette énième dégradation du site. Ce monument en forme d'arc de triomphe dominant les gorges du Rhummel fut inauguré en 1934 et est l'œuvre des architectes français Roguet et Dumoulin. Sur place, nous constatons que ce site historique offre aujourd'hui une image d'abandon, d'insécurité, de saleté et de dégradation avancée : les murs souillés de tags, mauvaises odeurs, saleté et coins transformés en urinoirs. La table d'orientation réalisée en 1936 par le Touring Club de France et qui renseigne sur les directions à prendre pour les villes environnantes, est elle aussi sérieusement endommagée. Des visiteurs rencontrés venus de l'ouest du pays sont sous le choc et ne comprennent pas comment un site d'une telle beauté est totalement à l'abandon. Le pire est que la perte irréparable de la plaque en bronze ne suffit apparemment pas à alerter les autorités locales, car hormis la plainte déposée par l'APC il y a quelques jours, aucun élu ni aucun responsable n'a daigné se déplacer sur les lieux pour constater les dégâts. D'ailleurs, les délinquants rôdent toujours autour du site. Le P/APC, Seifeddine Rihani, que nous avons contacté, nous a révélé qu'en plus de la plainte, la commune – propriétaire du monument – envisage de reconstituer la plaque : “Nous sommes en train de voir avec la commission du patrimoine de la commune en vue de faire appel à des experts et à des historiens pour qu'ils nous fournissent les noms exacts de tous les soldats qui figuraient sur la plaque manquante. C'est un travail difficile, mais nous allons le faire tout de même." Le nouveau maire nous a également assuré que l'APC réfléchit sérieusement à réaménager tout le site. Le dossier sera examiné par l'assemblée, nous a-t-il précisé. Cette attaque, en tout cas, aurait pu être évitée, si les autorités locales avaient fait leur travail. On se souvient qu'en 2010, l'ancien maire Abdelhamid Chibane avait déclaré à la presse qu'il promettait de “sauver le monument d'une mort devenue presque certaine". Il avait même annoncé qu'une enveloppe financière de 50 millions de dinars serait allouée pour financer la réhabilitation du site. Cette proposition de Chibane sera relayée quelques semaines plus tard par la déclaration de l'ancien wali Abdelmalek Boudiaf qui, en mars 2010, proposa d'installer un poste de police pour garantir la sécurité des familles et des visiteurs. Un projet resté en suspens depuis. Quelques mois plus tard, l'actuel wali Noureddine Bedoui, ayant constaté le délabrement des lieux lors d'une visite d'inspection, annonça qu'une réhabilitation touchera l'ensemble du site, aussi bien le monument que ses abords, avec la création de restaurants et de cafétérias, ainsi que des aires de jeux et d'un parking. C'était en 2011. Ce qui est rassurant, c'est que cette profanation du monument a tout de même provoqué l'indignation des Constantinois. Un groupe de citoyens a d'ailleurs lancé la pétition “Halte au viol de la mémoire de Constantine" sur Facebook, sur la page “Constantine-Riposte". Parmi les signataires figurent l'écrivain Rachid Boudjedra, l'historien Gilbert Meynier ou encore le cinéaste Mohamed Hazourli, sans oublier des artistes et des journalistes. L'adresse électronique de la pétition est la suivante : [email protected]. D B