Les étudiants de l'Ismas (Institut supérieur des métiers et des arts du spectacle) sont en grève de la faim depuis le 24 février. Leurs revendications sont simples: revoir le fonctionnement de cet institut qui va à vau-l'eau et leur donner la possibilité de participer à un débat sérieux sur la réorganisation de cet établissement et la revalorisation de leur statut. Ces simples doléances ont provoqué l'ire de la ministre de la culture qui ne peut pas accepter que de jeunes étudiants, nourris de l'amour de l'art et de la patrie, dénoncent la situation tragique de la représentation théâtrale et artistique dans un pays où la corruption et la dilapidation des deniers publics, transformées en système de gestion, traversent tous les secteurs, y compris le domaine culturel marqué par l'organisation de "festivals"-bidon où on se sucre et où l'art réel est absent. Les scandales touchant ces "festibouffes" et les jeux peu clairs des structures dites culturelles caractérisées par des absurdités et d'inexplicables dysfonctionnements font l'actualité, en l'absence d'un projet clair, caractérisé par la durée, non pas par des manifestations ponctuelles, sans objectifs clairs, comme d'ailleurs cette autre décision d'organiser "Constantine, capitale de la culture arabe" dans une ville qui se meurt et dans un pays qui a besoin de bibliothèques, de théâtres, de salles de cinéma, d'écoles de formation qui, une fois lancés, pourraient être à l'origine de festivals, de vrais festivals porteurs. La formation réelle, c'est-à-dire, celle des étudiants de l'ISMAS est le dernier souci d'un ministère dont l'échec patent est légendaire. Jamais, les disciplines artistiques et llittéraires n'ont connu une crise aussi profonde engendrée par l'absence d'un projet clair et la pauvreté manifeste d'un ministère qui s'autocongratule, excluant naturellment toute parole différente. Ce n'est donc pas surprenant d'apprendre que le ministère de la culture aurait décidé de fermer cet institut, en prenant la décision d'exclure ces Algériens, étudiants de l'Ismas, pour avoir osé tout simplement exprimer leur désarroi et leur désenchantement. C'est l'ère de la dictature qui nous fait revisiter ce film extraordinaire de Charlie Chaplin, Le dictateur, illustrant bien ces manières de faire. L'institut a déjà eu un triste précédent: sa fermeture en 1973par un ancien ministre de la culture, métamorphosé aujpourd'hui en "démocrate". Ces étudiants de l'Ismas qui sont des Algériens, ont choisi, le baccalauréat en main, de poursuivre des études dans un domaine trop peu apprécié par ceux-là mêmes qui sont censés le diriger administratvement, poussant le bouchon jusqu'à expulser de l'institut des jeunes dont le seul délit est de vouloir étudier dans des conditions convenables. Ayant enseigné le théâtre dans une dizaine d'universités européennes et ayant déjà fait mes études à l"institut de Bordj el Kiffan, il y a longtemps, je ne peux qu'adhérer aux revendication de ces jeunes exigeant une réorganisation de cet institut, l'amélioration des conditions de travail et la mise en oeuvre de programmes adéquats. C'est leur amour de l'art et du pays qui les incite à manifester leur désappointement. Au ministère de la culture, on semble répondre par la violence, selon le communiqué N°10 des grévistes de la faim. Un débat sérieux réunissant étudiants, administration, ministère et spécialistes reconnus est nécessaire pour régler un problème aussi grave. La répression est contre-productve, elle est l'espace privilégié de la dictature et du totalitarisme, elle ne peut que déboucher sur une contre-violence. Il faudrait mettre un terme à la tutelle du ministère de la culture qui n'est nullement capable de gérer ses affaires et placer cet institut sous la responsabilité administrative et scientifique du ministère de l'enseignement supérieur. Contribution du Professeur Ahmed CHENIKI Lien utile : www.cultures-algerie.wifeo.com