Résumé : A l'heure du dîner, Azad retrouve son père dans la salle à manger et tente d'engager une conversation avec lui en commentant les titres de la presse. Alors que son paternel semble sceptique sur les projets et l'avenir du pays, Azad tente de lui expliquer que la nouvelle génération tentera sûrement de relever les défis. Son père voulait vraisemblablement trouver un sujet de conversation. Azad dépose le journal et lance : - Je trouve que le pays avance à grands pas. - Moi je ne trouve pas. - Voyons père, il y a eu un tas de projets réalisés ces dernières années. Son père secoue la tête : - Certes, mais il y a eu beaucoup d'entraves aux grandes réalisations prévues. - Qu'à cela ne tienne, la nouvelle génération relèvera le défi. Nous sommes mieux avisés aujourd'hui. - Tu crois ? Azad fait la moue : - Il y a toujours beaucoup de volonté chez nos jeunes, il suffirait de leur tendre la main. - Hum... Nous étions jeunes nous aussi. Personne ne nous a tendu la main. Nous nous sommes forgés tout seuls. - Ce n'est pas pareil. Pas pareil du tout. A chaque génération ses préoccupations et ses ambitions. Ta génération était une fierté. Vous avez pris les rênes du pays en main afin de le lancer sur la voie du développement. Nous sommes là aujourd'hui, nous la nouvelle génération, afin de continuer l'œuvre de nos aînés. Son père hoche la tête : - C'est ce que tout le monde raconte. Moi je n'en crois pas un mot. - Pourquoi donc ? - Tout simplement, parce que la jeunesse veut se propulser dans le futur sans trop de mal. Les jeunes rêvent devant les écrans de télé et sur internet. Ils pensent que tout ce qui se fait ailleurs va se faire chez eux sans qu'ils lèvent le petit doigt. - Excuse-moi père, mais tu te trompes. Tu te trompes complètement. Son père se retourne vers lui et le regarde dans les yeux : - Moi, je ne me trompe jamais. Jamais fiston. Azad se tut. Il avait compris que son père voulait lui lancer un message. Un message lourd de sens. C'était clair, il ne va pas lever le petit doigt pour l'aider. C'est ce qu'il insinuait à travers ces phrases maquillées qu'il savait balancer lorsqu'il sentait qu'il perdait la partie. La table était dressée. Katia vint déposer une soupière et la corbeille de pain. - Le dîner est prêt... Elle sourit en regardant Azad : - Comme tu es notre invité ce soir, je vais commencer par te servir. Allez, tends ton assiette. Azad s'exécute. La soupe était fumante et sentait bon les herbes fraîches. Il s'empare d'un morceau de pain et commence à manger. Katia s'installe en face de lui. Elle avait servi son père et rempli une autre assiette à côté d'elle pour sa mère. - Où est ta mère ? - Dans la cuisine papa, elle est en train de retirer le poisson du four. - Dis-lui donc de se joindre à nous. - Je suis là. Ils se retournèrent tous en même temps. Zahia vint se mettre à table et jette un regard autour d'elle : - Alors Azad, ma soupe te plaît ? - C'est vraiment bon. Cela fait des lustres que je n'en ai pas mangé pareille. - Hum... Je vois. Sous d'autres cieux tu te gavais de hamburgers et autres repas froids. - Non, pas spécialement. J'ai appris à cuisiner. Tout au début de mes études, j'ai travaillé dans un restaurant. -Ah ! voilà qui est bon à savoir. Donc tu as réellement galéré. - Oui, beaucoup même. J'ai touché un peu à tout comme tous les étudiants. - Pas tous les étudiants. Disons plutôt ceux qui n'avaient pas des parents aisés pour payer leurs études. Azad sentit la moutarde lui monter au nez. Son père était aisé et n'avait jamais voulu l'aider. Le jeune homme dépose sa cuillère : - Même les étudiants dont les parents sont aisés préfèrent l'indépendance financière. Là-bas, c'est tout le monde qui tente de gagner sa vie le plus tôt possible. Mes camarades de promo travaillaient pour la plupart et parfois dans des conditions très dures. - Comme toi. - Tout à fait. Je ne m'en plains pas. C'était une bonne école. On apprend très vite à ne compter que sur soi, puisque pour les autres on n'existait plus. Elle devint cramoisie : - Que veux-tu insinuer par là ? - Mais rien du tout. Je disais juste que... Elle donne une tape sur la table et son mari lève le bras : - Arrête Zahia ! Pourquoi provoques-tu le petit ? (À suivre) Y. H.