“Ce projet (de réforme de la Constitution) sera présenté dans les tout prochains mois", a annoncé le Premier ministre. Près de vingt-trois mois sont déjà passés et le gouvernement ignore combien de mois il lui reste pour finaliser le travail de “la commission installée au niveau du gouvernement", ni pour quelle session du Parlement est prévu son examen, ni quand aura lieu le référendum sur cette réforme, ni si les changements “toucheront aux équilibres du pouvoir", parce que c'est de cela que dépendra le choix de la voie référendaire ou législative d'adoption de la réforme. Cela fait beaucoup d'incertitudes pour un projet en cours depuis bientôt deux ans. Autant dire que rien n'a été fait. Les confrères qui ont rapporté la déclaration n'ont pas précisé si celle-ci a été faite à l'initiative du Premier ministre ou si elle constitue une réponse à une question de journaliste. Car, c'est bien un souci d'initié que de s'inquiéter de l'état d'avancement du projet de réforme de la Constitution. Dans la société, on n'observe nulle part des signes d'impatience populaire en rapport avec la promesse de réforme constitutionnelle. Pas plus qu'il n'attend du nouveau des élections politiques — et il l'a montré par son abstentionnisme devenu “culturel" — le peuple n'attend de changements d'une révision de la Constitution. Le pouvoir a donc tout le loisir de présenter cette indifférence comme l'expression d'une patience populaire, mais le fait est que le citoyen n'attend plus, “depuis déjà", d'évolution politique susceptible d'influer sur sa condition. Conscient de cette incapacité inhérente du régime à évoluer, le citoyen s'y est simplement adapté. Nulle part, il n'est question de choix politiques ou constitutionnels. Pas même dans les discussions de pause-café. Il est cependant question des attributs du régime, ceux qui se manifestent par des effets sociaux concrets : l'économie informelle, le clientélisme, la corruption... Et chaque catégorie sociale d'intérêt guette les opportunités qu'offre une gestion qui, si elle traque la liberté et l'initiative, se fait dépensière et laxiste. Chaque groupe sociopolitique a spontanément évolué en communauté d'intérêts. Le terrain de la revendication politique s'en trouvant progressivement déserté au profit de stratégies d'intérêts catégoriels. L'élite, comme la masse, a suivi ce cheminement qui s'apparente à une mutation culturelle de la société. Pas même besoin d'une promesse de réforme qui traîne en longueur. À travers un consensus tacite, le peuple a fini par s'accommoder de l'ordre régnant, sans pourtant l'adopter. Logement social, salaires, privilèges de statut, exonérations, prêts bonifiés, effacements de dettes font plus débat que les promesses politiques ou élections. C'est aussi un effet de la durée : depuis le temps qu'ils le subissent, les Algériens ont fini par apprendre que le changement politique ne peut se concevoir sous ce régime. Pas même une hypothétique révision de Constitution. La question politique que l'on entend, aujourd'hui, y compris, de manière implicite, dans le sérail du pouvoir, c'est celle-ci : “Quatrième mandat ou pas quatrième mandat ?" Certes, le pouvoir n'est pas obligé d'y répondre. Mais il ne peut ignorer qu'elle suspend toute perspective politique pour le pays. M. H. [email protected]