Très attendue, la sortie du général de corps d'armée en marge de la visite du président de la République au Musée de l'armée n'aura pas réussi à lever le voile sur l'attitude de la grande “muette”, pour reprendre une expression consacrée, par rapport aux miasmes de la scène politique. Lamari a en trop et peu dit en même temps. Trop pour avoir évoqué l'essentiel des questions qui agitent la scène nationale et trop peu pour avoir succombé, comme de coutume, au discours de non-dits qui, à coup sûr, alimentera beaucoup plus la spéculation qu'il ne chassera les équivoques. S'il réitère “qu'il est fini le temps où l'institution militaire, pour des considérations de stabilité et de cohésion nationale, intervient dans le jeu politique”, il n'en rappelle pas moins “qu'on n'a jamais dit que l'institution militaire est neutre face à une quelconque menace qui pourrait éventuellement mettre en péril la stabilité du pays”. En décodé, tout en se refusant de participer à la “cuisine politique”, l'armée surveille “la cuisson”. Aujourd'hui, et le constat est unanime, si la “grande muette” est sollicitée, en termes à peine voilés, par la classe politique, c'est non point pour parrainer une quelconque candidature comme ce fut le cas jusque-là, mais bien pour veiller à la neutralité de l'administration et d'autres institutions impliquées dans l'organisation du prochain scrutin. Des institutions, il faut bien en convenir, jamais asservies comme elles le sont aujourd'hui. Une situation susceptible du reste, et à terme, de mettre en “péril” la stabilité du pays. Sur ce registre autant Lamari affirme qu'il attend des preuves “de la violation de la Constitution”, réponse somme toute diplomatique eu égard à la réalité, autant il soutient par rapport à l'initiative du groupe des “dix” qu'elle n'est qu'à ses premiers balbutiements et qu'il convient de “laisser mûrir” non sans ajouter plus explicitement “qu'il faut un consensus de la classe politique sans exception pour qu'on intervienne pour garantir la transparence des élections”. Mais si l'on se réfère à ses mises en garde contre “les tentations bonapartistes” et ses affirmations concernant un éventuel retrait des candidats, synonyme à ses yeux d'absence de crédibilité du scrutin, le message s'adresse sans doute à Abdelaziz Bouteflika, accusé de faire des institutions de la République un usage outrageant. D'où, peut-être, cette réponse, qui sonne aussi bien comme un avertissement au locataire d'El Mouradia qu' une assurance à l'opposition : “Nous avons étudié tous les scénarios que nous ne pouvons pas rendre publics et nous demeurons comme d'habitude toujours vigilants par rapport à ce qui se passe dans le pays.” C'est dire qu'un rappel à l'ordre ou un report des élections, pour ne parler que de ces deux éventualités, ne sont pas tout à fait exclus. Autre indice qui pourrait être pris en compte : le choix du lieu et du cadre de la sortie. L'unique réponse qui, peut-être, a le mérite de la clarté tant le scénario du “candidat du consensus” s'en trouve bel et bien écarté. En définitive la “grande muette” se révèle plus éloquente dans son mutisme que quand elle se met à parler. K. K.