Résumé : Semra rentre chez elle après avoir effectué des achats. Elle a envie de préparer des petits plats. Elle attend son amie. Celle-ci tarde à rentrer. Semra est inquiète. Elle craint pour la sécurité de Dalila. Mais celle-ci finit par arriver. Semra lui reproche son retard, mais Dalila est si heureuse qu'elle ne cesse de rire. Elle a passé d'agréables moments avec son amoureux. Semra veut qu'elle lui raconte tout. Dalila a troqué ses vêtements contre une tenue un peu plus confortable. Elle sort une robe traditionnelle brodée de jolis motifs berbères sur le col et les manches. Elle a relevé les cheveux dans un chignon lâche. Elle s'est démaquillée et paraît encore plus jeune. Elle prend place à la table qu'a dressée son amie et ferme les yeux, humant les effluves qui émanent de la cuisine. Semra apporte les plats. - Comme ça sent bon ! soupire Dalila. J'adore venir chez toi ! - Avant, je t'aurais crue ! réplique Semra en souriant. Maintenant que tu as ton jules, je te servirai de couverture ! A chaque fois que tu voudras le voir, tu prétexteras avoir envie de me voir ! - Mais tu sais que j'ai toujours envie de passer du temps avec toi ! Tu as raison cependant sur un point, je me servirai de toi pour justifier mes fréquents déplacements. - Bien. Mais sache que je ne t'ouvrirai plus à partir de 18h ! l'avertit Semra. Tu dois avoir faim... Je te sers ? Dalila hoche la tête. - Je meurs de faim, je n'ai rien mangé depuis hier soir ! J'étais trop excitée pour dormir et avaler quoi que ce soit ! Semra les sert. Son amie fait honneur à tous les plats. Elle a toujours eu un bon coup de fourchette. Elle lui rappelle les maigres dîners servis à la cité de jeunes filles. Elles en rient aujourd'hui, mais il leur était arrivé de dormir sur un bout de pain. - D'après mes cousines, ils se sont améliorés. - Tant mieux pour elles et tous les étudiants ! Lorsque je pense à cette période, j'ai des crampes à l'estomac ! - Tout ça est loin, dit Dalila. Hamdoullah, nous avons de postes intéressants et on vit au-dessus de nos moyens parce qu'on est célibataires ! Mais je pense que d'ici quelque temps, je vais me marier Semra ! Tu sais Noureddine... Il est gentil, attentionné. Je crois que je l'aime ! - Tu crois seulement ? Mais tu dois être sûre de toi avant de t'engager pour la vie ! - Je crois que c'est le bon. Même s'il est plus vieux que moi, précise Dalila. Il est vraiment adorable ! Une fois qu'elles ont fini de dîner, elles débarrassent la table et rincent la vaisselle. Semra prépare du thé. La soirée sera longue. Elles ont tant de choses à se raconter. Enfin, Dalila a tant de choses à lui confier. Un sourire éclaire son visage. -Tu l'aimes vraiment ? - Je crois. Dalila rit doucement alors qu'elle la rejoint dans le coin salon. Mais elle retrouve vite son sérieux. - Sincèrement, je peux m'imaginer avec lui, avoir une maison, des enfants, lui dit-elle. Je souhaite qu'un jour tu rencontres quelqu'un qui t'aimera sincèrement ! Dalila a encore en mémoire les railleries de leurs camarades d'études quand ils ont découvert que Semra était une enfant abandonnée. D'autres avaient tenté leur chance, et quand elle les refusait, ils avaient été odieux avec elle en lui disant “Ta mère n'avait pas fait la fine bouche !" “Tu ne vaux pas mieux que ta mère ! Ta mère était sûrement une traînée !". Semra en avait beaucoup souffert au début, puis elle avait changé de groupe, et avec ses nouveaux camarades, elle s'était montrée très réservée. Uniquement pour qu'ils ne connaissent pas ses origines. - Dommage que tu aies fui lorsque l'émigré a voulu officialiser avec toi ! Parfois, je pense que si tu lui avais dit la vérité, il ne t'aurait pas pris en horreur ! - Peut-être. Mais je préfère la fuite, dit Semra, à l'affront, à l'humiliation.Tu ne peux pas vraiment comprendre ! Toi, c'est différent. Si tu fais des erreurs, on se montrera indulgent avec toi, mais moi ! soupire-t-elle en secouant la tête. On me dira : “Tu es bien la fille de ta mère !" J'ignore comment j'ai été conçue ! Si je suis née d'une relation incestueuse ? Si je suis le fruit d'un amour interdit ? ou celui d'un viol. Pourquoi elle ne m'avait pas gardée ? Pourquoi mon père biologique l'avait trahie ? S'il ne l'avait pas trahie, pourquoi ils s'étaient séparés ? Je me demande parfois si elle n'avait pas cédé à la pression. Tu sais, les soirs où je ne dors pas, je me pose tant de questions qu'au petit matin, je me lève avec une migraine. Personne ne peut comprendre pourquoi je suis triste et pourquoi parfois j'en veux au monde entier ! Surtout aux hommes ! (À suivre) A. K.