L'Assemblée nationale constituante (ANC) tunisienne, de nouveau théâtre de débats envenimés. Cette fois, les députés se crépissent le chignon au sujet du timing des processus électoraux devant instaurer la Tunisie post-Benali. L'opposition, bien que minoritaire, dénonce la précipitation de la majorité, la troïka qui a été reconduite telle quelle dans le gouvernement bis d'Ennahda, qui veut fixer à début juillet le vote d'adoption de la Constitution et au 27 octobre la date des élections législatives et présidentielle. L'Alliance démocratique et le mouvement Wafa ont même demandé le retrait de confiance au président de l'ANC, Mustapha Ben Jaafar, patron d'Ettakatol, le parti laïc allié à Ennahda au sein de troïka avec la formation du président de la République, au motif qu'il a donné la primeur de l'annonce des rendez-vous électoraux aux médias. Sahbi Attig, chef du groupe parlementaire d'Ennahda, le parti islamiste qui dirige le gouvernement, a fait prévaloir la majorité de la troïka. Le calendrier proposé par celle-ci prévoit que le projet de Constitution soit achevé le 27 avril, et que le texte soit définitivement voté le 8 juillet, après un débat à partir de la mi-mai. Il fixe aussi au 27 octobre les prochaines élections, après l'adoption de la loi électorale le 13 septembre 2013. Sahbi Attig a annoncé que ce timing passerait en force, sans qu'il soit soumis au vote. Ennahda et ses acolytes craignent-ils de ne pas rassembler les deux tiers des députés nécessaires pour la question clé du type de régime politique. Plusieurs calendriers ont été annoncés ces derniers mois sans jamais être respectés. À l'origine, la classe politique s'était engagée à achever la Constitution en octobre 2012, soit un an après l'élection de l'Assemblée. Ennahda a abusé de procédures pour bloquer l'Assemblée : absentéisme, retards, modifications... Sur ce plan, les islamistes ont appris les méandres de l'exercice procédurier de la démocratie quant bien même sont-ils contre son avènement qu'ils considèrent comme liberticide. Les islamistes tunisiens, ayant appris à leurs dépens que leur société n'était pas aussi malléable que ne l'avait pensé leur leader Ghannouchi, veulent battre le fer tant qu'il est chaud, précipiter le processus d'achèvement de la révolution de Jasmin tant qu'ils ont les clefs du pouvoir. Car, ils ont découvert que cette société n'a pas du tout envie de sauce islamiste. Avant l'abandon des ministères régaliens, Ennahda a renoncé, il y a un an, à introduire la notion de charia dans la Constitution, puis réaffirmé son soutien à l'égalité des sexes, établie par le défunt Bourguiba en 1956, après avoir voulu imposer l'idée d'une “complémentarité" entre les hommes et les femmes, et accepté en début de l'année d'appliquer des décrets sur la liberté de la presse après des mois de bras de fer avec les médias. L'islamiste Ali Larâayedh, qui a formé un nouveau cabinet vendredi, reconduisant une coalition malaisée entre les islamistes et deux partis laïcs, mais élargie à des indépendants, devait obtenir sans mal la confiance de l'ANC mardi, mais il sait que les Tunisiens ont gagné en maturité, qu'il est sous haute surveillance. Parallèlement, le parti de l'opposant tunisien Chokri Belaïd, assassiné le 6 février à Tunis, a décidé de saisir le Conseil des droits de l'homme de l'ONU sur ce crime, étant donné que l'enquête n'avance pas comme il se doit, selon Zied Lakhdar, responsable du Parti des patriotes démocrates. D. B