L'ouvrage, les Intellectuels algériens : mythe, mouvance et anamorphose (éditions Dahlab/éditions Enag), traite de la problématique du rôle, de la mission et de la définition de l'intellectuel. Pour une meilleure compréhension, l'auteur retrace la fabuleuse mais néanmoins ambiguë histoire de cette notion avec ses hauts et ses bas mais aussi ses platitudes circonstancielles. Pour Nouara, la notion “l'intellectuel"(elle prend le soin de mettre le mot entre guillemets) s'est chargée d'une connotation sémantique qu'elle n'avait pas dans le passé. Autrefois, poursuit-elle, il existait des penseurs, des humanistes, des savants... d'une grande probité, d'une éthique de fer et plutôt neutres, à de rares exceptions près, ou courtisans mandarins portés à complaire aux puissants du jour... à flatter leurs mécènes et protecteurs attirés parmi les tenants du pouvoir. C'est dans cette acception et les avatars parfois de “notion", de “statut social" et d'autres fois de “concept" qui balancent entre la qualité, la pureté et la connotation que Nouara dresse le portrait peu reluisant de l'intellectuel algérien, le plus souvent malgré lui. A juste titre elle note qu'“en principe, l'université doit permettre qu'à l'élite de l'argent s'oppose l'élite du savoir". Mais le rôle de l'université a été étriqué et éloigné de cette noble tâche. Ali El Kenz, cité dans le livre, donne l'analyse suivante sur notre université : “Les titres délivrés par l'université ont ainsi perdu de leur prestige... ils ne donnent plus accès automatiquement à la couche des intellectuels". Cette perte de valeur et de mission de notre université est, selon le sociologue, l'effet imprévu et paradoxal de la politique d'arabisation qui a été menée, à partir des années 1970. Auparavant et dans le même sens, Mostefa Lacheraf, grand homme politique et intellectuel, également cité dans l'ouvrage, énonce quant à lui que “la langue arabe a servi, aussi impunément et à son cops défendant, par la faute des théoriciens médiocres, volontaristes et butés, et contre le vœu des vrais pédagogues, à réduire à néant la qualité de l'enseignement public en Algérie... de plus, elle a bourré, toujours malgré elle, d'idéologies désastreuses, une enfance scolaire et une jeunesse étudiante... dus au zèle obscurantiste d'enseignants bien endoctrinés". C'est tout le bouillonnement de questions que Nouara Hocine pose de savoir si être intellectuel rime avec qualification ou vocation ; technocrate ou technicien ? Enfin toute la complexité du vocable semble non encore totalement saisie. Dans sa préface, Mahfoudh Kadache mentionne que : “En somme, ‘Les intellectuels algériens : mythe, mouvance et anamorphose' est une évocation remarquable de l'histoire des intellectuels en général et des intellectuels algériens en particulier, éclairée par des analyses sociologiques précises et bien documentées. Le tout exprimé courageusement et librement, bannissant les tabous et la langue de bois". A. A. [email protected]