L'exposition regroupe les œuvres des vingt-cinq artistes femmes algériennes représentées au Musée national des beaux-arts d'Alger. [Par Ali EL HADJ TAHAR] La plupart des exposantes appartiennent à la génération des années 1960-70, et il s'agit de Zoulikha Benbernou, Ben Myriam, Djamila Bent Mohamed, Bettina, Baya, Aïcha Haddad, Souhila Belbahar, Kheïra Flidjani, Leïla Ferhat. Parmi les artistes qui ont commencé à exposer dans les années 1980, il y a Akila Mouhoubi, Samta Benyahia, Bahia Boua et qui étaient toutes enseignantes à l'école des beaux-arts d'Alger avant d'émigrer en Europe. Noria Nedjaï, Meriem Aït El-Hara, Latifa Boulfoul et Khadidja Seddiki ont commencé à exposer durant la décennie suivante, et représentent elles aussi la diversité de l'art algérien. Dans la tendance non-figurative, il y a les œuvres puissantes de Djamila Bent Mohamed et de Bisker, deux grandes artistes qui ont malheureusement cessé de peindre depuis une vingtaine d'années et dont la trajectoire évoque une comète dans un ciel de tourment. « L'aube » de Djamila Bent Mohamed est une huile abstraite dominée par les noirs et les bruns et, comme toutes ses œuvres, elle contient une énergie puissante. Au début des années 1980, Fatiha Bisker a abouti à une puissante qui marque le début de l'art non-figuratif algérien et qui coïncide avec le travail d'artistes comme Arezki Larbi, Chaïr et Mustapha Nedjaï. Après des débuts dans un abstrait géométrique, Akila Mouhoubi a abouti à une peinture intimiste qui fixe les petites choses de la nature, des détails d'architecture, des motifs décoratifs. Dans la même expression, il y a Meriem Aït El-Hara, Latifa Boulfoul et Akila Mouhoubi, qui investissent chacune une voie qui puise dans le présent ou dans le passé, dans les mythes collectifs et les légendes ou les images du monde moderne. Latifa Boulfoul appartient à la nouvelle génération des abstraits ; elle allie force et vigueur, sensibilité et construction intelligente, couleur et graphisme. Dans « Noir soleil », Meriem Aït El-Hara atteste de la puissance de son œuvre qui n'a malheureusement pas connu une production importante et dont la carrière illustre des difficultés des artistes algériens confrontés à l'absence d'un marché de l'art. Il est bon que le musée expose des œuvres mais il est fondamental qu'il renouvelle sa collection et l'enrichisse pour participer à la création et à la production culturelle, et pour cela il est nécessaire que l'état mette des moyens dans l'enrichissement de ses musées et leur développement, condition sine qua non de la vitalité de l'art. Anissa Aïdoud est également sculpteur et professeur aux beaux-arts d'Alger mais c'est avec une peinture représentant un paysage abstrait évoquant des fleurs qu'elle réussit à nous capter. Il est à espérer qu'elle suive cette voie. Peintre et tapissière, Khadidja Seddiki présente un tissage abstrait, « Terre-mère », qui atteste que les expressions féminines de l'art algérien peuvent puiser dans les techniques les plus diverses et les adapter au présent. Le figuratif est représenté par Bettina, avec une aquarelle datant de 1964, « Ruines d'Announa » qui inaugure la fidélité de l'artiste de souche allemande aux sites et paysages de Guelma et l'est algérien où elle vit depuis 1963, année de son mariage avec Hamid Ayech. Bettina a réalisé des centaines d'aquarelles depuis, dont d'innombrables portraits et natures mortes. Noria Nedjaï est plus proche de l'art brut, avec des personnages puisées dans le monde latent du subconscient et des scènes torturées d'une Algérie qui cherche à exorciser ses démons. Benbernou est aussi une artiste expressionniste, connue essentiellement avec ses dessins à la plume, à résonance sombre et dont les scènes montrent des foules denses, en attente, comme après le miracle d'un échappatoire au trépas. Elle a malheureusement arrêté de peindre au début des années 1980. Egalement expressionniste était Myriam Ben, peintre, poétesse, nouvelliste et écrivain. Ben était surtout une militante de l'ALN de souche juive des Chaouias des Ben Moshi qui a préféré la fidélité à ses racines algériennes à la trahison et qui a décédé en 2001, après avoir longtemps enseigné à Alger. Ben aimait les larges aplats, les formes viriles et ascétiques et les rencontres violentes de couleurs, des bleus, des rouges et des noirs notamment. Baya, l'artiste femme la plus connue de toutes, a commencé à peindre à l'âge de douze ans et a exposé à la célèbre galerie parisienne Maegh à l'âge de 16 ans sous le regard de Camus et d'André Breton qui a préfacé son catalogue. Le MNBA expose d'elle un « Oiseau en cage entouré de deux femmes ». Les instruments de musiques, les fleurs papillons et les femmes oiseaux vont faire chanter sa peinture d'un imaginaire joyeux. C'est elle qui a ouvert la voie de l'art naïf algérien qui comprendra de nombreux artistes dont Mohamed Gheddouchi, Mohamed Abdoun, Mohamed Zmirli, Mohamed Zerarti, Souhila Belbahar, Kheïra Flidjani, Aïcha Haddad, Djahida Houadef et bien d'autres. Décédée en 1991, Kheïra Flidjani est restée fidèle à sa technique et sa thématique composée essentiellement de portraits de femmes, d'hommes, de fleurs et de quelques paysages. Sensible, elle aimait les subtilités chromatiques, les ombres et les lumières douces sur les visages et la chair. Aïcha Hadda était un peintre naïf d'une grande sensibilité dont les scènes de genre traitaient essentiellement de la femme, de ses joies et de ses fêtes. Souhila Belbahar, actuellement la doyenne des femmes artistes, a rejoint Baya dans l'art naïf et s'amuse elle aussi à exécuter des femmes fleur, des femmes qui dansent, des mosquées et des paysages fleuris. Djahida Houadef a étudié aux beaux-arts d'Alger mais elle a préféré faire de la peinture naïve pour retrouver les émotions premières de l'enfance et explorer un imaginaire étendu. Fatma Zerhouni offre une étonnante œuvre naïve en laine tissée avec des motifs de poissons dans des verts et des bleus tendres. Bahia Boua, ancienne enseignante des beaux-arts, s'exprime essentiellement par l'aquarelle et le dessin comme en témoigne sa scène de femme kabyle avec son jerrican et son âne. Leïla Ferhat, l'oranaise, est dans un art féminin qui tantôt cherche l'expression tantôt la délectation. Des scènes de genre avec des femmes, elle passe aux paysages et aux portraits. Valentina Ghanem Paplovskaya propose une œuvre de sa dernière série de peintures, consacrée aux Touaregs et aux gens du sud algérien. Valentina, car c'est surtout ainsi que cette artiste d'origine russe est connue, a réalisé des musiciens, des natures mortes, des nus, des fleurs qui montrent un caractère éclectique aux techniques et au style qui bougent constamment... De Safia Zoulid, le musée expose « Femme printemps », une peinture apurée qui va droit au but comme dans toutes les œuvres de cette artiste qui traite surtout de la femme en cherchant à la fois la simplicité du dessin et de la composition et l'exploration de l'imaginaire avec une touche de rêverie et d'abandon. Zahia Dahel, aquarelliste d'Annaba, est surtout connue comme sculpteur et artiste de monuments. Vigoureux, ses portraits et ses chevaux sont l'expression d'une force sculpturale. Chérifa Hamimouna, née en 1927, réalise des miniatures avec des frises enluminées faites de motifs berbères pleins de sensibilité mais on ignore si elle a une production importante car elle est inconnue sur la scène nationale. La centaine d'œuvres comprenant des huiles, des dessins, des gravures et des tapisseries représente la plupart des tendances de la peinture algérienne mais elle nous laisse sur notre faim car la peinture féminine algérienne est beaucoup plus riche avec de nombreux artistes issus des écoles des beaux-arts ou autodidactes. A.E.T.