Vendredi au stade du 5-Juillet, il y avait une foule des grands jours pour un match de coupe. Et c'est ce décor et cette ambiance qu'on a choisis pour lancer la campagne pour un quatrième mandat pour le président Bouteflika. Sur un air de déjà-vu, des jeunes stadiers ont déployé, au milieu du terrain, une gigantesque banderole au nom du “peuple du Mouloudia" pour “prier" le président Bouteflika de briguer un quatrième mandat. Le match étant retransmis en direct, les caméras de l'Unique étaient braquées sur la banderole pour immortaliser ce moment historique. Il se trouverait des gens qui jureraient qu'il s'agirait d'une initiative d'une personne ou d'un groupe de dirigeants zélés au Mouloudia d'Alger. Mais cette couleuvre sera difficile à avaler. Ce qui s'est passé vendredi au stade du 5-Juillet n'est pas un fait anodin, isolé de tout ce qui se trame au sujet de la présidentielle de 2014. À une année de ce rendez-vous capital, les soutiens de Bouteflika se mettent en ordre de bataille. Mais la campagne avait commencé bien avant vendredi. La semaine dernière, notre confrère El-Khabar reprenait à la une des propos attribués à un proche du chef de l'Etat selon lesquels ce dernier serait déprimé et mécontent de son bilan et en voudrait à ses ministres. “La gorge profonde" laisserait entendre que le président Bouteflika ne serait pas intéressé par un quatrième mandat, “sauf si le peuple le lui demanderait". Et c'est justement là que ses comités de soutien se mettent en action. Bien avant ces ballons-sondes, l'ex-ministre, réputé proche de Bouteflika, Abdelatif Benachenhou, lâchait que le Président était “mal entouré de ministres et a été mal conseillé ayant plus de courtisans que de militants". Ce qui laisse entendre que le chef de l'Etat pourrait se débarrasser de bon nombre de ses collaborateurs, en leur faisant porter le chapeau le moment voulu. Dans ce qui ressemble à un plan de communication bien huilé, la campagne pour un quatrième mandat ne diffère pas grandement de celle de 2009, sauf que, pour cette dernière, le président Bouteflika avait dû faire violence à la Constitution, en faisant sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Au moment où la révision de la Constitution, promise par Bouteflika, se fait toujours attendre et reste entourée d'énigmes, le début de campagne pour la reconduction de Bouteflika intervient à un moment particulier de la vie de la nation. Le pays se porte mal sur les plans économique et social. La croissance économique marque le pas et la principale source du pays, les hydrocarbures, se raréfie, nous dit-on. Le pouvoir, qui a cassé sa tirelire pour acheter la paix sociale et éviter la contagion du Printemps arabe, n'a pas réussi à calmer le front social. Bien au contraire, en plus des secteurs toujours en ébullition, comme l'éducation, la santé ou la Fonction publique, c'est le front du Sud qui s'est embrasé depuis quelque temps et qui constitue un véritable casse-tête au gouvernement. Le bilan de Bouteflika est loin d'être reluisant. Pire encore, les scandales de corruption qui ont fini par rattraper les proches collaborateurs du président Bouteflika le mettent dans une fort embarrassante position, même s'il a tenu à lâcher publiquement ses anciens amis. Au-delà de ses soucis de santé qu'il traîne depuis 2007, le rendant quasi invisible, la reconduction du président Bouteflika paraît peu envisageable, au regard de son bilan, mais surtout du Printemps arabe, et ce qu'il a induit comme conséquences sur toute la région. Mais force est de constater que les postulants à la magistrature suprême ne se bousculent pas au portillon. Hormis Ahmed Benbitour, qui a annoncé (trop tôt ?) sa candidature, tout le monde reste suspendu à la décision que prendra le président Bouteflika et tout indique que rien ne se décidera avant la révision constitutionnelle prévue, en principe, d'ici la fin de l'année en cours, c'est dire que les futurs postulants — vrais ou lièvres — n'auront que trois mois pour entrer en campagne. Encore faut-il les convaincre d'y aller, sachant que le président Bouteflika a fait le vide autour de lui. Les rares personnalités devant être bien placées pour lui succéder ont été débarquées de leurs partis respectifs. Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem auront du mal à faire campagne sans les machines électorales que constituent le RND et le FLN. Les autres candidats, plus ou moins, crédibles, ne pourront se lancer dans une campagne sans savoir si les jeux étaient faits d'avance ou si ce serait une compétition saine et ouverte. En lançant le débat sur la place publique, au sujet d'un quatrième mandat, l'équipe du président Bouteflika voudrait anticiper la réaction de la rue, avant le dépôt du projet de révision constitutionnelle, mais aussi plomber tous les prétendants sérieux à la magistrature suprême. Piégée, la classe politique semble se complaire dans ce vide et ce flou entretenus par le président Bouteflika. A B